Déclaration du surintendant de la musique

Nous, unique surintendant

Qu’on révère si fort en France,

Car depuis Fouquet la finance

N’a plus ce titre indépendant,

Seigneur de l’État harmonique,

De l’Opéra grave et comique,

Président des ménétriers,

Citadins, forains, taverniers,

Engagistes ; adjudicataire

De tous les profits qu’on peut faire

Tant en spectacles que concerts,

Qui ne peuvent plus être ouverts

Qu’avec notre attache ordinaire,

Savons qu’en un certain manoir

Soi-disant hors notre pouvoir,

Gens abusant avec licence

Des droits d’une haute naissance

Ont voulu chanter autrement

Que sous notre commandement.

Nous déclarons toute leur bande

Musiciens de contrebande,

Leur assemblée, un attentat

Contre la police de l’État,

Tous leurs outils de symphonie

Tombés dans le cas de saisie

Dont l’Envieux, notre sergent,

Aura la vente, et nous l’argent.

À moins que dans cette semaine

Quelqu’un des délinquants ne vienne

Reconnaître humblement nos lois,

Mettre à nos pieds flûtes et hautbois,

Prendre de nous tons en cadence.

De plus, pour réparation,

Nous apporter belle ordonnance

D’une nouvelle pension

En livrant à notre vengeance

Blamont, leur complice avéré,

Mais qui n’étant comme eux titré

Sera tenu l’auteur du crime.

Car il nous faut une victime,

Et l’on sait qu’en tout différend

Les petits souffrent pour les grands.

Si, refusant de nous leur grâce,

Tous ces rebelles aujourd’hui

Persistent dans leur contumace,

Nous ne donnerons à Marly

Aucun opéra de Lulli,

Mais bien nos chefs-d'œuvre suprêmes,

Marthésie et les Stratagèmes.

Des autres n’est pas fait mention,

N’en étant que le prête-nom.