Brevet pour le Sieur Roy, ci-devant conseiller au Châtelet et poète1
De par le dieu porte-marotte,
Nous, généraux de la Calotte,
Savoir faisons que le Sieur Roy,
Rimeur plein d’honneur et de foi,
Et bien plus connu sur la place
Qu’il ne l’est sur le Mont Parnasse,
Ayant pris résolution
De faire un contrat d’union
Avec une aimable pucelle,
Très riche et sage demoiselle,
Et fille d’un changeur royal
Homme droit et vraiment loyal,
Des malveillants de ce poète
Auraient glissé dans la Gazette
Que le susdit royal changeur
En fait de droiture de cœur
Aurait essuyé le caprice
De Dame hautaine justice,
Et que même encore aujourd’hui
Créanciers se plaignaient de lui,
Touts choses très malsonnantes,
Pour ne pas dire impertinentes.
À ces causes, savoir faisons
Pour plusieurs et bonnes raisons
Que le gazetier de Hollande,
Par une malice trop grande,
A publié les faits susdits,
Suscité par trois beaux esprits
Fontenelle, Houdard, Houtteville,
Tous trois professeurs du haut style,
Mais que ledit poète Roy
Avait irrité contre soi,
En les envoyant à Montmartre
D’après calotine pancarte
Pour y professeur leur grand art.
Sur quoi, blâmons par la présente
Fontenelle, Houteville, Houdard
De conduite très malséante,
D’autant que contre ce rimeur
Ils pouvaient par plus noble voie
Décharger leur mauvaise humeur,
Soit en disant, qu’âpre à la proie
Il aurait pendant l’agio
Fait peu d’honneur à sa Clio ;
Soit en censurant ses poèmes,
Plus obscurs que ceux d’Houdard même,
Soit en disant qu’on refusa
Un si galant homme au Visa
Et comme ayant voulu se faire
Gentilhomme extraordinaire,
Les ordinaires de la Cour
Lui jouèrent d’un vilain tour,
Soit en portant sur sa personne
Des traits par contrevérités
Sur son avarice gasconne
Et sur ses fastuosités ;
En un mot, en rivaux de plume.
Ils pouvaient en faire un volume
Et remplir ainsi leur métier
Sans se servir d’un gazetier.

• 1Brevet pour le Sieur Roy, ci-devant conseiller au Châtelet et poète, sur ce qu’il a fait mettre dans la Gazette d’Hollande du 13 novembre 1724 les raisons qui ont empêché son mariage avec la fille du Sieur Jubainville, agent de change (M.).