Brevet de général des ramoneurs pour le Sieur Desnots […] sur ce qu’il croit toujours sentir la fumée
Brevet de général des ramoneurs pour le Sr Desnots,
conseiller au Châtelet,
sur ce qu’il croit toujours sentir la fumée
et qu’on lui a ordonné pour guérison les eaux de Plombières en Lorraine.
De par le dieu porte-marotte,
Nous, général de la Calotte,
À tous nos zélés calotins,
Gens peu sensés, vrais fagotins,
Sujets à cervelle légère,
Officiers, soldats, nos confrères,
Et tous autres bons compagnons,
Joie et salut. Savoir faisons
Qu’ayant une ample connaissance
De l’invincible répugnance
D’un de nos fidèles suppôts,
Notre cher et féal Desnots,
Pour ce qu’on appelle fumée
Que fait la matière enflammée,
Et qu’un jour même à ce sujet
Il conçut l’utile projet
De gratter d’une main habile
Tous les murs de son domicile,
En dehors ainsi qu’en dedans,
Du toit jusques aux fondements,
Pour extirper par ce mystère
La couleur et l’air fumigène
Et redonner à sa maison
Une nouvelle eau de savon.
Sachant de plus que sa manie
Contre la fumée ennemie
Lui fit nous demander congé
Pour fuir le séjour enragé
D’un noir tribunal judiciaire
Où mugit la gent chicanière,
Et qu’on nomme le Châtelet.
C’est là qu’opinant du bonnet,
Cent fois sur son siège, tranquille,
Son esprit en projets fertile
Formait la composition
D’une nouvelle invention
Qui pût empêcher la fumée
Hors et dans toute cheminée.
Pour quoi, voulant voir le pays
Dudit confrère, avons permis
D’aller étudier la fortune
Des lieux où par hasard il fume
Et d’extorquer, singe parfait,
De chacun le fameux secret
Pour faire cesser cette peste,
Si générale et si funeste.
Sur ce, de notre plein savoir,
En vertu de notre pouvoir,
Avons accordé par calotte,
Et tenant en main la marotte,
Créons aujourd’hui ledit sieur,
Le seul principal ramoneur
Des logements et des casernes
Des majors et des subalternes
Qui composent le Régiment,
Et commandons qu’en ce moment
Toute la troupe sous les armes,
Par honneur et non par alarme,
Voie passer le Sieur Desnots.
Sur la main penché (?) sur le doigt
Muni de chaque genouillère
Le coussin pendant au derrière,
En tête un noir et sale bandeau,
Surtout armé d’un fort râteau,
Et que dans ce noble équipage,
Fifres et tambours faisant rage,
Il soit de chacun reconnu
Et qu’on lui donne le salut.
Voulons en outre, avec justice,
Pour privilégier son office,
Qu’il ait le titre et les honneurs
De général des ramoneurs,
Grands et petits, faits comme à faire,
Dans l’un et l’autre hémisphère,
Et qu’à tous sans exception
Il donne leur commission.
Ordonnons audit titulaire,
Pour récompense et pour salaire,
Certains revenus tous les ans,
À prendre sur les éléments
Qui peuvent causer la fumée
Comme sur chaque cheminée
[?] forges et fourneaux,
Sur tous foyers, privés, banaux.
C’est notre volonté dernière
Et que l’on suivra toute entière.
Fait et défait au Champ de Mars,
La troupe sous les étendards,
Le 2 de la quinzième lune
Et l’an jamais ère commune.
Signé de la belle façon
De Saint-Martin et plus bas Aymon.
F.Fr.12785, f°145r - F.Fr.9353, f°280v-283r - F.Fr.15015, f°47r-50r - Nouv.Acq.Fr. 4773, f°24v-26v - Lille BM, MS 63, p.56-61