Brevet en faveur de M. Le Peletier, Premier Président au Parlement de Paris
Brevet en faveur de M. Peletier,
Premier Président au Parlement de Paris1
De par le dieu de la Marotte,
Nous, Général de la Calotte,
À tous ceux qui manquent d'esprit,
Salut, joie et grand appétit.
Sur la plainte à nous rendue
Lors de nos dernières revues,
Qu'au pouvoir du divin Momus
Un mortel osait se soustraire,
Et qu'à l'abri de ses vertus,
Chérissant la sagesse austère,
Il méprisait impunément
La marotte et son Régiment ;
Forfait d'autant plus condamnable
Que, s'il allait être imité,
Nous nous verrons abandonnés
De toute la terre habitable.
Les mortels quittant leurs erreurs
Chasseraient l'aimable Folie,
Et la Raison, notre ennemie,
Règnerait bientôt sur leur cœur.
Sur quoi, craignant le grand ravage
Qu'allait exciter ce fracas
Et pour dissiper un orage
Qui s'élevait dans nos États,
Avertissons par ces présentes
Qu'encor que le Sieur Pelletier
N'ait eu jusqu'ici de patentes
Ni de brevet d'officier,
Il n'a pu braver la marotte
Jusqu'au point de la décrier,
Et que digne de la calotte
Dont nous voulons le décorer,
Malgré sa vertu peu commune,
Aux influences de la lune
Son esprit n'a pu résister ;
Qu'enivré du rang qu'il occupe
Il ne veut plus être la dupe
De la vertu ni de l'honneur ;
Que tout d'un coup, changeant d'humeur,
Comme sortant de léthargie,
Il cherche noise au Parlement
Dont il est Premier Président.
Pour un rien, pour une chimère,
Il est cause qu'on délibère
(tandis que les procès en suspens
Font enrager mille clients)
Pour savoir si, contre l'usage,
Les chambres doivent s'assembler
Sans avoir de lui le suffrage,
Et sans qu'il ait dû l'ordonner,
On ferme aussitôt la boutique,
On court, on trotte, jour et nuit,
On fait grand tapage et grand bruit.
En vain, à cet esprit caustique
Chacun lâche maint quolibet ;
Il est traité comme un valet.
N'importe, il soutient la gageure,
Poursuit toujours la même allure
Et propose un accommodement
Qui sont renvoyés au néant.
Enfin cette auguste assemblée
Dispose un accommodement
Que, comme une poule mouillée,
À sa honte il signe à l'instant.
À ce procédé si fantasque
On reconnaît le calotin
Et la Folie enfin démasque
De nouveau ce gentil robin.
Pour la Marotte, quelle gloire !
Quel triomphe, quelle victoire !
Aussi, voulons et il nous plaît,
Décorer de triple calotte
Ce partisan de la Marotte,
Et que, pour armement complet,
Il porte nos rats, nos girouettes,
Papillons, grelots et sonnettes,
Le tout dépeint en beau papier
Pour ornement de son mortier,
Afin qu'à l'avenir on connaisse
Qu'il a déserté la sagesse,
Et qu'on sache que, de plein gré,
À la folie il s'est livré.
Fait dans notre empire lunaire
Le jour que pour une chimère
À certain chanoine appelant
Par un trait des plus fantastiques
De misérables fanatiques
Ont refusé l'enterrement2 .
Clairambault, F.Fr.12707, p.239-42 - 1754, V, 47-50 - F.Fr.12655, p.251-54 - F.Fr.12785, f°138r-139v - F.Fr.13662, f°73r-74v -F.Fr.15148, p.323-29 - F.Fr.15231, f°205-206 -BHVP, MS 659, p.194-98 - Lille BM, MS 64, p.419-25
Imprimé