Calotte de Beausire
Sur la requête que Beausire
Nous a faite, où, très ardemment,
Il nous témoigne qu’il désire
d’être admis dans le Régiment,
Se disant à tel point habile
Que Paris, cette grande ville
Et le centre des beaux esprits,
Pour son architecte l’a pris,
Preuve aussi brillante que sûre
Qu’il excelle en architecture.
Ouï le rapport des experts,
Gens de probité non suspecte,
Recevons ledit architecte
Comme étant un des plus grands clercs
Dans cet art où jadis, à Rome,
Vitruve fut un si grand homme
Qu’on le prenait pour un soleil
Qui n’aurait jamais de pareil
Et qui pourtant, sans hyperbole,
En voyant le quai de l’École,
Si superbe et si bien bâti,
Se dirait être un apprenti.
D’autant que le susdit Grassire
Dont le nom brille en l’almanach
Du Pont-Neuf au Louvre le tire
Non de droit fil mais en zig-zag,
Soutenant que la droite ligne
Qui forme le quai Pelletier
Nous fait voir une faute insigne
D’un ignorant dans son métier,
Qui met hors d’œuvre la banquette
De peur que ledit quai n’empiète
Sur la rivière et sur son lit,
Ce qui montre un petit esprit
Qui des lieux forçant la nature
Et ne pouvant bâtir en plein,
Par un trait d’arrière-voussure
Se donne huit pieds de terrain.
En outre, le susdit Grassire,
Ayant de tout temps ouï dire
Comme un fait très clair et très sûr
Que l’eau du fleuve de la Seine
Dans la ville n’était si saine
Qu’à cause que le flot impur
Emporte sans cesse et charrie
Avec soi beaucoup de voirie,
Il aurait par un grand savoir
Placé justement l’abreuvoir
Sous un égout dont la matière
À l’eau se venant mélanger
Aux chevaux fera chère entière
Tant pour boire que pour manger.
À ces causes, rendant justice
Au dit sieur, nous lui faisons don
De la calotte et du cordon.
Le créons en titre d’office
Par ce brevet en mandement,
Architecte du Régiment.
Lui donnons pour profit et gages
Les éloges doux et mignons
Que les cochers et maquignons
Lui donneront dans tous les âges
Pour avoir par ses grands travaux
Si bien abreuvé les chevaux.