Brevet pour Mlle de Saint-Cheron
Calotte de la Martiron
Après la calotte donnée
À la Belloy qui sut si bien
Désarmer le fougueux Julien,
Lequel tranchant du canapée [?]
Par sa fière morgue et gros air
Semblait défier Jupiter,
Nous apprenons par les nouvelles
Qu’à son exemple plusieurs belles
Ont fait de glorieux efforts
Pour entrer dans notre grand corps,
Savoir une Languedocienne,
La Martiron de Saint-Étienne,
Laquelle, pour venger sa sœur
D’un officier qui, mauvais cœur,
Faisait faux bond à l’hyménée,
Bien qu’il eût par un grand serment,
Sous promesse de sacrement,
Pris quelques pains sur la fournée.
Or la susdite Martiron
Ayant en vain requis justice
De punir la noire malice
De ce capitaine dragon,
Se faisant droit par elle-même,
Elle aurait, d’une audace extrême,
Brûlé la cervelle à l’amant
Violateur de son serment,
Présumant que sa sœur germaine,
Après avoir aimé beaucoup
N’aurait jamais assez de haine
Pour entreprendre un pareil tour.
À ces causes et sur la trace
De Monsieur le Prince Régent
Qui s’est montré fort diligent
A lui faire donner sa grâce
Nous honorons la Martiron
De notre calotte et cordon ;
Déléguons à cette amazone
Sur les brouillards de la Garonne
La somme de cent mille francs.
À calotins, petits et grands,
Enjoignons hautement de croire
Qu’un tel acte est digne de gloire,
Quoiqu’en disent en pareil cas
Juges, procureurs, avocats,
Qui voudraient que cette héroïne
Fût châtiée en assassine,
Bien moins par amour pour les lois
Que de peur de perdre leurs droits.
Fait en calotine justice
Où nous jugeons plus sainement
Qu’en justice où l’on prend épice
Pour salaire du jugement.
F.Fr.12785, f°146v - Lille BM, MS 62, p.300-303 - Lyon BM, MS 750, f°247 - Lyon BM, MS 751, f°95v-96r