Calotte de Masson
Calotte de Masson
Nous, généraux de la Calotte,
À toute gent porte-marotte,
Savoir faisons que le bon goût
Dans toute chose de la vie
Étant nécessaire, et surtout
En prose ainsi qu’en poésie,
Le gros et gras greffier Masson
(Quoique sur la souche d’un greffe
Rarement bel esprit se greffe)
De bel esprit fait la leçon
Au café de la Croix de Malte,
Où l’on voit qu’il approuve, exalte,
Les vers de certains rimailleurs
Qui, sans avoir ni sens ni mœurs,
Vomissent par rime offensive
Une humeur noire et corrosive.
Créons comme connaisseur,
Juré et sensé professeur,
Pour expliquer par des critiques
Pleines de goût et de bon sens
Les ouvrages noirs et caustiques
Des délicats censeurs du temps.
Voulons qu’il prouve l’élégance
Que Rousseau mit dans ses couplets
Qui sont des chefs-d’œuvre complets,
Quoique la cour, par bienséance,
En ait jugé tout autrement
Au risque d’éprouver disgrâce
Très convenable à son audace.
Consentons que publiquement
Il prouve qu’en ses Philippiques
La Grange, roi des satiriques,
A le style ferme et plus rond
Que Démosthène et Cicéron,
Et que loin d’être punissable,
Ce poète est très estimable.
Lui permettons de prouver net
Que dans le poème d'Arouet
Chaque vers est une épigramme,
Que cet ouvrage est hors de blâme,
Et que par là le grand auteur,
De l’art atteignant la hauteur,
À fait une œuvre plus solide
Que l’Iliade et l’Enéide.
L’acceptons pour un bon garant
Du sel comique de Le Grand
Qu’il dit être digne du Louvre.
Voulons qu’en détail comme en gros
Dans ce pantomime il découvre
Des beautés que blâment les sots,
Mais que Molière aurait eu peine
De mieux exprimer sur la scène.
Lui donnons pour gages et droits
La somme de cent francs par mois
Sur tous les brouillards lunatiques.
Lui donnons calotte de plomb
Pour couvrir sa tête et sa nuque
Lorsqu’il ôtera sa perruque
Dans la chaleur de la leçon.
Enfin pour assurer le titre
Qu’il reçoit par ce mandement,
Nous consentons qu’il l’enregistre
Dans son greffe du Parlement.
Lyon BM, MS 750, f°240r-241v - Lyon BM, MS 751, f°8