Arrêt du Parnasse contre H. de la M.
Arrêt d’Apollon sur les œuvres de théâtre
du Sr Houdard de la Motte, par M. Richer
Vu par nous, le blond Apollon,
Souverain du sacré Vallon,
Le libelle diffamatoire
D’un de nos sujets révoltés,
Qui voudrait flétrir notre gloire,
Disant avec témérité
Que la mesure poétique
Qui met en étroite prison
Et la pensée et la raison,
Est un art vain et chimérique.
De plus, qu’en différents climats,
La rime, jointe à la mesure,
Accroît la peine et l’embarras
Et met l’esprit à la torture.
Que, pour en observer les lois,
Et voulant imiter Malherbe,
Il a malgré lui maintefois
Déplacé le nom et l’adverbe.
Pour obvier à cet abus
Il conclut donc qu’on ne doit plus
Perdre son temps à cette étude
Qui ne plaît que par habitude.
Pour justifier ses mépris
Il décompose les écrits
D’un des descendants d’Euripide,
Que sa prose rend insipide,
Quoique le subtil prosateur
Croie égaler ce grand auteur.
Vu d’une autre part les requêtes
D’un nombre infini de poètes,
Tous unis contre Maître Houdart
Qui prétend décrier leur art.
Vu surtout les placets d’Homère,
Et de Virgile son confrère,
De Pindare et d’Anacréon,
De Térence, Horace et Catulle,
Du tendre et délicat Tibulle,
Et de l’ingénieux Nason,
Des rimeurs du bord de la Seine,
Clément Marot et La Fontaine,
Malherbe, Sarrazin, Rousseau,
Corneille, Racine et Boileau.
À ce libelle satirique,
Par le chantre du grand Henri,
Des muses nouveau favori,
Avec plusieurs pièces nouvelles
Qui ne sont pas des bagatelles,
Le tout pesé très mûrement,
Nous défendons expressément
A Polymnie et Melpomène
De laisser boire l’Hippocrène
Au susdit Houdart, vieux rimeur,
Attendu que par sa vapeur
Cette eau lui donne la migraine,
Et quand il en boit une fois
Qu’il ne sait plus parler françois.
Lui permettons pourtant de faire
Tragédie en langue vulgaire
Ou s’il veut même un opéra,
Odes, chansons et cœtera.
Et sans tirer à conséquence
Faisons très expresses défenses
À tout autre rimeur que lui,
S’il ne veut répandre l’ennui,
De prendre une telle licence.
Donné sur le double coteau
Dans le mois de l’an le plus beau,
Que les rossignols et fauvettes
Recommencent leurs chansonnettes,
Et que tous les arbres sont verts,
Saison propre à faire des vers.
1732, III,73-76 - 1735, IV,18-21 - 1752, IV,15-17 -Stromates, I, 153-54 - Lille BM, MS 66, p.250-54