Brevet pour le Sieur Butier
Extrait des registres de la Calotte
De par Momus, dieu souverain,
Juge et censeur du genre humain,
Grand empereur de la marotte,
Monarque des cerveaux timbrés
Dont les noms sont enregistrés
Au Régiment de la Calotte,
À nos féaux et bien amés,
Les gens faiseurs des bouts-rimés,
Astrologues et machinistes,
Peintres, comédiens et chimistes,
Musiciens, opérateurs,
Souffleurs, symphonistes, danseurs,
Bref, à toute la kyrielle,
Salut. Désirant avec zèle
Que dans chaque profession
Chacun se distingue et s’excite
Afin que l’émulation
Fasse briller le vrai mérite,
Informé que le Sieur Butier
Possède la monotonie
À tel point que son harmonie
Semble toujours psalmodier,
Et voulant nous l’associer
Comme un digne compatriote,
Il nous plaît le gratifier
Des patentes de la Calotte.
Étant d’ailleurs très bien instruit
Des doctes pièces qu’il a faites
Et du Te Deum qui fut dit
Au concert des Odiphilètes,
Dont les récits comme les chœurs
Brillant de toutes les manières,
Firent bâiller les auditeurs
Tout au moins cinq heures entières.
Et quoiqu’en notre Régiment
Il se présente incessamment
Nombre de maîtres de musique,
Préférons le Sieur Butier,
Prétendant qu’il entre en quartier
Malgré la jalouse critique.
Lui recommandons seulement,
En signe de reconnaissance,
De faire chanter hautement,
Pour marque de réjouissance,
Ce même fameux Te Deum
Qu’on peut nommer incomparable,
Avec le Domine Salvum
Et sub tuum praesidium,
Ou quelque autre antienne semblable.
Assignons pour appointements
À ce nouveau pensionnaire
La somme de six mille francs
De simple rente viagère.
Voulant qu’il s’en fasse payer
Et lui permettons de les prendre
Sur les gens qui, sans s’ennuyer,
Pourront se résoudre à l’entendre.
Car tel est notre plaisir.
Fait à nos heures de loisir,
Le premier du mois de novembre,
Seul, dans la plus petite chambre,
En notre grand palais des rats.
Signé Momus, Aymon plus bas.