Réponse du Sr. de … au nom du J… litt…
Réponse du Sieur de *** au nom des journalistes littéraires
À quel embarras me conduisez-vous, Monsieur ? Faut-il répondre à des louanges si peu méritées ? Quand je me sécherais pendant un jour1 et pendant une nuit ; que dis-je ? quand je battrais jour et nuit les îles[fn]Ibid., p.12, encore ne trouverais-je pas des termes dignes de votre éloquence, et convenables à la modestie qu’il nous faut montrer au dehors2 . Oui, Monsieur, après mes efforts, on trouverait que je n’aurais3 pris qu’un rat4 un grand rat. Il ne m’appartient à moi que de travailler sous maître5 , ne pouvant mettre par moi-même en œuvre que quelques soi-disant beaux tours6 , ou de soi-disant belles pensées.
L’honneur que nous fait Momus est comme s’il nous décrétait une peine7 . C’en sera peut-être une des plus grandes, que de ne pouvoir pas toujours bien exactement répondre aux favorables vues de la Calotte. Ce n’est pas faute de zèle. Nous sommes vos fidèles émulateurs, et nous souffrirons moins impatiemment de périr par des Barbares, ou par de pires moins8 encore que non pas9 d’être accusés d’être lâches. La crainte de faire quelque ronde bévue[fn]Cette expression se trouve dans la Bibliothèque germanique. doit m’empêcher de m’étendre davantage hors de mes forces10 sur ce sujet.
Si nous avons vu périr nos prédécesseurs, si nous avons vu leurs monuments se revendre pour des enveloppes11 , nous en pleurons encore avec des larmes de sang12 . C’est donc à nous, Monsieur, à travailler à réparer cette perte. Oui, nous ferons en sorte d’avoir, et leur mérite et leur valeur, nous imiterons les actions de ces héros, nous les dirons à nos enfants, nous ferons en sorte d’avoir de trois mois à trois autres, une suite toute prête13 de faits à votre gloire et à l’utilité du commun14 . Avec une bonne volonté, il n’est rien qu’on ne vienne à bout de faire cadrer 15 ; et moi, en mon particulier, j’avouerais ingénument y vouloir travailler avec un soin incomparable16 .
Souffrez que je me tourne vers vous, illustres confrères. On sait assez combien il y a vers notre temps17 d'admirateurs de votre mérite. On sait votre courage : partout on trouve vos apophtegmes ornés de trois lettres précieuses ; R.D.I. et déjà, ou je me trompe, ou l’on travaille12 à en faire de courts abrégés pour les plus petits enfants18 . Par ce moyen ils seront un jour consommés dans les affaires, qu’un sens droit et net leur fera d’abord saisir19 . Et vous, Monsieur, qui faites l’honneur et le salut de La Haye20 , vous qui, si vous vivez encore pendant soixante ans tout entiers21 , remporterez certainement avec vous vos soixante témoignages fn]Ibid., p.448. d’excellence ; c’est à vous que je m’adresse en particulier. Disputez, combattez, détruisez. Vous étiez le fidèle émule d’Hippocrate ; vous auriez mieux que lui composé un merveilleux traité sur la matière22 : soyez aujourd’hui l’un des plus redoutables sujets de Momus. Si, comme digne sectateur d’Esculape, vous avez mérité les gages complets23 de professeur, méritez par vos exploits le commandement général de la Calotte. Je vais plus loin : qu’un cœur tendre pour le public24 réunisse en vous les deux goûts25 et les deux états. Que votre connaissance dans la médecine, et votre zèle pour la Calotte se prêtent des secours mutuels contre l’ennemi. Mais où m’emporte mon enthousiasme ? Plutôt que de ne pas combattre, pour nous et avec nous, vous vous laisserez détruire par nos ennemis : vous deviendrez plutôt, par la plus étrange métamorphose, la maculature qui sert d’enveloppe aux médicaments qu’ils emploient, et le papier qui sert de bouchon à leurs bouteilles : et que ne deviendrez-vous pas, par l’obstination où vous portera votre courage ?
Vexons-nous, Messieurs, afin de ne céder jamais à nos adversaires, jusqu’à ce qu’il nous arrive de nous éteindre, plutôt que de mourir avec effort24 .
- 1Journ. Lit. t. XIII, p. 7.
- 2 Belgicisme.
- 3Journ. Lit., t. XIII, p. 12 et 10, t. XV, p. 60.
- 4Ibid., 66.
- 5Ibid., p.100.
- 6T.XIV, p.308.
- 7Terme censuré de la traduction de Prideaux, dans la préface des dissertations du P. Souciet.
- 8Ibid., t.XIV, p.414.
- 9Ibid., p.465.
- 10Belgicisme
- 11Journ. Lit., t. XIII, p. 442.
- 12 a b Belgicisme.
- 13Journ. Lit., t. XIII, p. 412.
- 14Belgicisme : pour public, ou bien public.
- 15Tome XV, p.3
- 16Journ. Lit., On trouve ce tour de phrase : Nous avouons y voir.
- 17T.XV, p.432.
- 18T.XIII, p.206.
- 19T.XIII, p.205.
- 20Au sieur S… Med…
- 21T. XV, Journ. Lit., p. 31.
- 22Ibid., t.XIII, p.199.
- 23Ibid., p.210.
- 24 a b Ibid., p.198.
- 25Ibid., p.30.
1732/1735, III,157-161 - 1752, III,156-160 - F.Fr.12785, f°174r-177r - Lille BM, MS 66, p.279-285