Brevet d’expectative

à Madame la Duchesse d’Épernon,
Sœur de Madame la Duchesse de Retz
C’est une honte, en vérité,
Que d’être femme, et raisonnable.
Pareille singularité
Dans votre sexe est condamnable.
C’est pour vous que les ris sont faits ;
Les jeux sont de votre apanage.
L’amour ne veut pas de sujets
Dont la conduite soit si sage.
Ce n’est point l’austère raison
Qui fit les lois de son empire,
Et dans l’âge où le cœur soupire
La prudence est hors de saison.
Puisque la raison vous égare
Et change l’ordre absolument,
Vous aurez place au Régiment.
Votre aventure est bien bizarre.
Sur la foi de votre vertu
Combien de fois avez-vous cru
Être à l’abri de la Calotte ?
Vous êtes sage à contretemps,
C’est assez pour le Régiment.
Oh ! grand pouvoir de la Marotte !
Momus ! qui peut te résister ?
Tu nous poursuis dans tous les âges,
Nous sommes fols, même étant sages ;
Comment faire pour l’éviter ?
Iris, vous serez donc des nôtres :
Quel moyen pour vous consoler ?
Morbleu ! vivez comme les autres.
À quoi bon tant subtiliser ?
Songez qu’il est plus favorable
D’être de la cohorte aimable
Que commande le tendre Amour,
Que de languir dans la brigade,
Où la raison en embuscade
S’oppose au plaisir nuit et jour.
Quelle gloire pour la folie,
Lorsqu’elle verra dans nos yeux
Éclater ce feu précieux,
Fléau de la mélancolie !
Pour Momus, quel sujet d’honneur,
Lorsque, soumise à la tendresse,
Vous chérirez votre vainqueur !
Quel désespoir pour la sagesse !
Alors vous comprendrez, Iris,
Qu’il faut profiter du bel âge ;
Et que dans la saison des rires,
C’est être folle que d’être sage.