Sans titre
De trente tristes prospérités
Craignez une funeste suite.
Un jour viendra qu’en nos cités
S’éteindra le nom de jésuite.
Tambourin, Doucin et Tellier
Auront le sort des templiers.
Chacun est bien embarrassé
Si c’est le Père Le Tellier
Ou si c’est une maréchale,
Ou notre vieille martingale
Qui a procuré le cordon
De Chauvelin, ce beau garçon.
On dit que c’est ce confesseur
Lequel ayant grande frayeur
De D’Aguesseau et sa science
Et par un effet de prudence
Fait descendre le paraclet
Sur un de Messieurs du Parquet.
D’autres disent que ce bourgeois
Étant atteint d’un feu grégeois
Pour une belle et noble dame,
Elle crut anoblir sa flamme
Et couronner un si beau feu
Par deux aulnes de cordon bleu.
Vous autres qui admirez tant
L’éclat de ce bel ornement
Vendu quatre cent mille livres,
Priez tous Dieu qu’il nous délivre
D’avoir jamais tentation
D’acheter si cher un cordon.
Lyon BM, MS 747, f°24v
Le texte pourrait dater de 1728, date à laquelle Chauvelin est nommé garde des Sceaux, ce qui le mettait en concurrence avec d’Aguesseau, inamovible chancelier (Strophe 3). Dans ses fonctions il avait charge de poursuivre les écrits hostiles à la bulle Unigenitus, ce qui explique l’animosité du poète anonyme, visiblement janséniste (ce qu’exprime ouvertement la première strophe). Mais on s’étonne de l’influence encore prêtée à Le Tellier, confesseur de Louis XIV, disgrâcié dès le début de la Régence. Quant au cordon bleu, il désigne un détenteur du prestigieux ordre du Saint-Esprit.