Brevet de Maître des Cérémonies
au Curé de Saint-Sulpice, après la Procession de la Fête-Dieu
Momus, dont le lot est de rire
De tout ce qu’on fait ici-bas
Et d’enrôler dans son Empire
D’illustres fous de tous états,
Vu le rapport de son vicaire,
Le fameux Général Aymon,
Sur l’extravagant formulaire
Que certain curé de renom
Avec grand soin avait fait faire
Pour régler la procession
Sans trouble et sans confusion,
Fit adresser joyeuses patentes
Par son secrétaire Maret,
Lequel, en forme de brevet,
Aurait délivré les présentes.
De par le dieu porte-marotte,
Pour récompenser les vertus
D’un réformateur des abus,
Sectaire outré de molinisme,
Grand ennemi du jansénisme,
Dévot, rempli de vanité
Sous un faux air d’humilité
Que pour mieux séduire il affecte,
Flatteur, courtisan, architecte,
Inventeur de cultes nouveaux
Pour achever son édifice
Et subvenir aux grands travaux
Qu’il entreprend à Saint-Sulpice.
Plus, en faveur du Cordon bleu,
De ses ceintures différentes,
De ses rubans couleur de feu,
Parures trop extravagantes
De l’ordre processionnel,
De son imprimé solennel,
Et pour nombre d’autres folies
Trop longues à déduire ici,
Établissons l’Abbé Gergy
Maître de nos cérémonies ;
Lui conférons l’autorité
Requise à telle dignité.
Voulons, en outre, au jour de marche
De notre auguste Régiment
Que ce célèbre patriarche
En ordonne l’arrangement.
Lui donnons quadruple calotte
Pour couvrir son cerveau timbré.
Voulons qu’il porte la marotte
Et qu’il soit partout révéré,
Que son manteau soit bigarré
De rats, papillons, girouettes,
Grelots, tourbillons et sonnettes.
Pour ce, lui donnons tous les ans,
Sur la vapeur la plus épaisse,
Somme de trente mille francs
En récépissé de la caisse ;
Plus un privilège exclusif
Pour débiter pendant sa vie
Tout essai de cérémonie
Et même tout préparatif
Qu’inventera son grand génie.
Fait en notre palais badin,
Le premier jour du mois de juin,
Signé Aymon et Saint-Martin.