Brevet d'archiviste au cardinal de Bissy
Brevet d'archiviste au cardinal de Bissy
De par Momus, le dieu des ris,
À la troupe des beaux esprits
Dont la Calotte est composée,
Salut et tête renversée.
Nous, Aymon, votre général,
Et saint-Martin notre féal,
Savoir faisons que gens de tête
Nous ont présenté leur requête
Tendant à ce qu'il fût pourvu
À certain désordre imprévu
Qui pourrait nuire à notre gloire.
Le mal est grand ; voici l'histoire.
Jusqu'ici nos actes épars
Sont répandus de toutes parts
Sans minutes et sans registres.
Nos chartres, nos illustres titres,
Nos brevets, nos certificats,
Nos règlements, nos résultats
Tout cela risque de se perdre.
(Rime qui sait rimer en erdre.)
Ce considéré mûrement,
Et bien instruit du jugement
Qui brille dans tous les ouvrages
D'un grand quêteur de témoignages
Pour la bulle Unigenitus,
Item, sachant que ses vertus
Sont de trouver le corps dans l'ombre
Et le grand dans le petit nombre ;
Plus de savoir à grand profit
Montrer qu'on a ce qui suffit
Quand on manque du nécessaire ;
N'avons pas cru pouvoir mieux faire
Que de le nommer promptement
Archiviste du Régiment.
Voulons donc que par ces présentes
Qui lui serviront de patentes,
Pour archiviste il soit tenu
Et sous ce titre reconnu.
Si vous mandons qu'en conséquence
Lui soit remis en diligence
Tout papier, titre, enseignement
Concernant ledit Régiment,
Ensemble ce qui peut s'ensuivre
Pour être par lui sur son livre
Mis par ordre et pour le plus sûr
Paraphé Ne varietur.
Entendons aussi qu'il écrive
À tous prélats lettre missive
Pour demander leur sentiment
Touchant votre établissement,
Leur mandant que par vos suffrages
Et pour le prix des témoignages
Qu’à la Bulle ils ont tous rendus
En notre corps ils soient reçus.
Voulons en outre qu'il s'engage
À faire un bel et bon ouvrage
Qui soutiendra premièrement
Que la troupe du Régiment,
Quoique de peu de gens formée,
Est plus nombreuse que l'armée
De Darius et de Xerxès,
Et pour le faire avec succès
Il montrera qu'en tout le monde
Chaque royaume en fous abonde
Et que sans brevet tous les fous
Tacitement sont avec nous.
En second lieu, Son Éminence
Démontrera la suffisance
Des appointements vaporeux
Qu'assignent nos brevets joyeux,
Faisant croire à nos subalternes
Que vessies sont des lanternes.
Et par lui plus tôt que plus tard
On aura soin que chez Coignard1
Le tout dans peu soit vu sous presse
Bien entendu qu'avec adresse
Y soient fourrés force cartons
Et des errata des plus longs
Comme en sa dernière ordonnance.
La chose est de grande importance.
Surtout, que l'imprimé fini,
Un exemplaire en soit fourni
À chacune bibliothèque.
Pour ce lui baillons hypothèques
Sur le fond des décomptes faits
Aux officiers mis aux arrêts
Pour cause de trop de sagesse.
Quant au surplus, l'Ordre lui laisse
En faveur de sa dignité
Pouvoir et pleine liberté
De porter avec la marotte
Manteau pourpre et rouge calotte,
Pourvu que ce rouge ait pour fond
Le cinabre en mine de plomb.
Fait dans notre Conseil suprême
Du mois de juillet le septième.
Signé Aymon et Saint-Martin.
- 1Imprimeur de l'Académie française (M.).
1732/1735, III,10-13 - 1752, III,10-13 - F.Fr.9353, f°251r-252v - F.Fr.12785, f°89-90 - F.Fr.15014, f°129r-132r - F.Fr.20036, p.284-289 - F.Fr.25570, p.354-357 - Nouv.Acq.Fr. 2485, f°61r-62r - Nouv.Acq.Fr. 4773, f°21r-23r - Arsenal, 2935, f°239r-240v - Arsenal, 3128, f°222r-223v - Arsenal, 3359, p.209-213 - BHVP, MS 663, f°191r-195r - Bordeaux, BM, 700, f°253r-256v - Grenoble, BM, 587, f°106r-107v - Lille, BM, 62, p.178-184 - Lyon, BM, 754, f°158r-159v