Brevet à M. l'abbé Mongin
Comme ainsi soit que l'éloquence
Se raffine si fort en France
Qu'elle efface par ses progrès
Celle des Latins et des Grecs
Et surtout le genre célèbre
De faire une oraison funèbre,
Nous, grand vicaire de Momus,
Pour enflammer de plus en plus
Nos calotins envers la gloire
Attachée à l'art oratoire,
Déclarons que l'abbé Mongin,
Que le vrai sublime accompagne,
Plus grand orateur que Longin,
A fait pour le feu roi d'Espagne
Un discours qui rendrait muets
Les Fléchiers et les Bossuets.
Ce prince, en très peu de journées,
Vécut, dit-il, beaucoup d'années,
Et ses diadèmes brillants
Portés si peu, tombés si vite,
Devraient bien instruire les grands
Sur leur dernier et triste gîte.
Ensuite, quittant son sujet
Sans sortir de ses justes bornes,
Il eut Moïse pour objet
Et ne parla point de ses cornes.
À ces causes, vu les beaux traits
De ce rhéteur des plus parfaits
Pour la parole et la pensée,
Lui donnons marotte crossée
Et consentons tout d'une voix
Qu'il soit prélat du Bazadois
Pour prêcher en langue française
Les vertus et les bonnes mœurs
Et la droiture dans les cœurs
De la nation bazadoise.
Lui donnons pour profits et droits
Sur l'élite des mots françois
Deux mille phrases curieuses,
Et surtout des plus précieuses
Et quatre cents termes fleuris
Approuvés par les beaux esprits.
Défendons à toute personne
Des rivages de la Garonne
D'oser contrôler ses discours
Pour les phrases ni pour les tours,
D'autant que par la rhétorique
Sortant d'un membre académique
Tout procès de langue est vidé
Et sans appel bien décidé.