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Ordonnance des Régents de la Calotte en faveur des Chartreux réfugiés en Hollande

Ordonnance des Régents de la Calotte
en faveur des Chartreux réfugiés en Hollande
De par le Dieu porte-marotte,
Nous, les Régents de la Calotte,
À ceux qui ces lettres verront
Ou qui lire les entendront,
Salut. Ayant su qu’une bande
De Moines à bonne prébende,
Se donnant l’un l’autre la main,
Avaient volé comme un essaim
Chez les sectateurs de Calvin,
Parce que, refusant de croire
En la pancarte péremptoire
De Clément le Capitolin,
On voulait leur ôter le vin
Et les mettre dans une cage,
Pour qu’ils changeassent de ramage
Et reçussent l’Édit romain
Comme étant de divine main ;
Si bien que la défroquée bande,
Étant arrivée en Hollande,
Bravait fort l’Unigenitus
Et le traitait comme d’abus.
Plus, que par une feinte ivresse
Elle aurait fait mettre sous presse,
Publier par les gazetiers,
Et vendre dans tous les quartiers
Une apologie à la mode
Dont s’extrait cette période :
« Et David disait en son cœur,
Il m’écherra quelque malheur,
Et Saül m’ôtera la vie.
Certes il me prend bonne envie
D’aller dans les pays lointains.
Allons trouver les Philistins. »
Ainsi la fuyarde assemblée
Par là se comparant d’emblée
Au prophète déclamateur,
Qui ne le disait qu’en son cœur,
Et méprisant avec emphase
(De sa tranquillité la base),
Ceux qui par leur protection
Sentent sa tribulation.
Nousdits Regents, sans grande peine
Trouvons que c’est chose certaine
Que ces enthousiastes nouveaux
Ont assurément leurs cerveaux
Éventés et pleins de marotte,
Et qu’il leur faut une calotte.
À ces causes, leur faisons don
De fortes calottes de plomb,
Où seront en relief nos armes
Et pour lui donner plus de charmes,
Y seront mis des oreillons,
Girouettes, rats, papillons ;
Item, sonnettes les plus fines
Pour carillonner à mâtines.
De plus il leur sera permis,
Comme à nos sujets et amis,
D’aller dans nos terres australes,
Vulgo dit méridionales,
Découvertes avec honneur
Par le fameux Jacques Sadeur.
Voulons que tous les susdits moines
Y vivent comme des chanoines
Sans souci nul, et qu’on ait soin
De fournir tout à leurs besoins.
Voulons que ces Révérents Pères,
Y puissent fonder monastères
Sous protection de Momus
Et composer des Oremus
À l’honneur du Dieu tutélaire.
Nous entendons que chaque frère
Trouvé digne d’être reçu,
Aussitôt qu’il aura fait vœu,
Reçoive la Dive Calotte,
Dont le prieur tiendra la note
Et nous l’enverra chaque an
Afin que tout, selon son rang,
Soit mis et registré par ordre,
Pour prévenir noise et désordre.
Mandons à tous nos commandants,
Gouverneurs ou leurs lieutenants,
À tous intendants, à tout juge
D’accorder asile et refuge
Passages et protection,
Amitié, considération,
À cette troupe calotine
Dans nos pays ci-dessus dits,
Dont lui concédons une mine.
Nonobstant tous contraires cris,
Défendons sous peine sévère
De faire rien au contraire,
Même d’en avoir le désir.
Car tel est notre bon plaisir.
Fait pendant la lune dernière
Par le grand Conseil calotin,
Suivant notre Ère calotière
Sept mille sept cent vingt-cinq.

 

Numéro
$4070


Année
1725 / 1731




Références

1725, II, Supplément 5-7 - 1726, 254-57 - 1754, V,165-167 - F. Fr.10476, f°106r-107r - F.Fr.12655, p. 235-37 - F.Fr.12785, f°151 - F.Fr.15015, f°11r-14r - F.Fr.15144, p.476-79 - F.Fr.25570, p.729-31 - Nouv.Acq.Fr. 4773, f°154r - Lille BM, MS 62, p.289-94