Brevet d’inspecteur des cafés, pour l’abbé de Coiffy
Brevet d’inspecteur des cafés pour l’Abbé de Coiffy
Informé par nos ambulants,
D’un abbé qui lui seul efface
Par ses hauts faits et grands talents
De tous nos calotins l’audace ;
Voulant acquérir tel sujet,
Et montrer à notre milice
Combien nous aimons la justice,
Nous le créons par ce brevet
Grand inspecteur de ces boutiques
Où la patience aux abois,
Poussée par des gens iniques,
Fait babiller souventefois
Contre les princes et les lois.
Mais peut-on souffrir sans bassesse,
En ces temps durs et malheureux,
Qu’on nous ait par dol et finesse
De riche fait devenir gueux ?
Certes la bile s’en réveille.
Or, comme en ces lieux de tout temps
L’on y reçoit bons et méchants,
L’on en voit qui prêtent l’oreille
Pour aller comme une merveille,
Raconter au gouvernement
Des discours qu’on paye comptant,
Et qui très souvent pour vétille
Vous font placer à la Bastille.
L’Abbé doncques ayant cassé,
Vilipendé, berné, chassé
L’important chevalier Neptune,
Officier du Roi se disant,
Et qui pour faire sa fortune
S’en va toujours espionnant,
(Grand génie qui devrait être
Le digne portier de Bicêtre,
Comme lui dit dernièrement
Un grand sujet du Régiment.)
Nous, de notre pleine puissance,
À l’abbé vraiment calotin,
Souhaitons que soir et matin,
Les cafés par reconnaissance,
Lui donnent gratis la boisson.
De plus lui donnons le cordon,
Le dispensons de son bréviaire
Et voulons que sa seule affaire
Soit de chasser les insolents
Qui nous inondent en ce temps.
Item, notre amé commissaire,
Du café lecteur ordinaire,
L’honorera d’un compliment
En forme de remerciement.
Mais l’honneur n’étant qu’un vain titre,
En attendant qu’il porte mitre,
Lui donnons par provisions,
Deux mille écus de pension,
À prendre sur les balivernes
Qu’on dit aux cafés et tavernes.
Au surplus nous l’avertissons
D’être un peu plus court quand il narre,
Et de ne point trouver bizarre
Cet avis que nous lui donnons.
Car pour allier avec grâce
Le sérieux et le plaisant,
Il faut avoir l’heureux talent
De la Fontaine et de Boccace.
Recommandons au Régiment
D’être discret et bien disant :
Vérité n’est pas toujours bonne,
Témoins, les docteurs de Sorbonne.
Donné l’an sept cent vingt et deux,
Temps à coter pour nébuleu
1725, I,147-150 - 1726, 101-103 - 1732/1735, I,148-150 - 1752, I,148-150 - F.Fr.9353, f°143r-144r - F.Fr.15015, f°91r-93v - F.Fr.20036, p.190-193 - F.Fr.25570, p.107-109 - BHVP, MS 663, f°23v-26r - Institut, 647, f°49r-50v - Bordeaux BM, MS 700, f°104r-106v - Grenoble BM, MS 587, f°73v-74v - Lille BM, MS 62, p.324-328 - Lyon BM, MS 754, f°48r-49v