Invitation à tous les sujets du régiment
de se trouver au Bal de Mme la Princesse des Asturies
la veille de son départ
De par le Dieu porte-marotte,
Nous, Général de la Calotte,
Très persuadé que le bal
Dans les momons et mascarades,
Excelle en plaisir sans égal
Parmi nos joyeuses brigades,
Faisons avertir que demain
Dimanche, troisième novembre,
Un bal superbe en tout son train
Se fera dans chambre, antichambre,
Et salon du Palais-Royal.
Nous souhaitons qu’au susdit bal,
Et nos mignons et nos mignonnes,
Viennent produire leurs personnes.
Le Roi lui-même s’y rendra.
Un chacun s’y comportera
Avecque toute révérence
Due à sa royale présence.
Néanmoins nous n’empêchons pas
Qu’on ne s’y rompe jambes et bras
Pour voir avec combien de grâce
Le jeune Prince dansera
Lorsque le bal il ouvrira
Avec Princesse de sa race,
Qui le lendemain partira
Pour Madrid ; ce qui causera
En même temps douleur et joie.
Le ciel la protège et la choie !
Voulons que femme, belle ou non,
Y vienne coiffée en chignon,
Et s’y montre décolletée
En robe de chambre ajustée.
Ordonnons à tous les filous
De porter une main honnête
Sur les plus précieux bijoux
De la prude et de la coquette.
Permettons aux maris jaloux
D’y faire mine de hiboux,
Pendant que tout mari commode,
Se conduisant selon la mode,
Rira d’un passe-temps si doux.
Exhortons nos amés les fous,
De toutes sortes de brigades,
D’y danser avec tant d’ardeur
Que, surpris après de froideur,
Ils en puissent tomber malades.
Consentons même que tout fat,
Qui doit sa fortune au Système,
Y vienne sous un riche éclat,
Jouter avec le diadème.
Lui déférons tous les honneurs,
(Sauf pourtant le droit de reproche,
Qu’avaient ci-devant les Seigneurs
Connus pour gens de vieille roche).
Espérons que maints calotins,
Petits maîtres, hauts et mutins,
Malgré les maréchaux de France
Et les seigneurs de l’ordonnance,
Y donneront noble cartel,
Pour le lendemain en duel
Se venger de quelque parole,
Que son ami d’un ton frivole
Lui aura dit sans y penser
Et point du tout pour l’offenser.
Espérons aussi que le sexe,
Dont la folie est une annexe,
Y fera très bien son devoir
À parler de tout sans savoir,
À faire cent minauderies,
Torticolis, afféteries,
Pour attirer dans ses filets
Étourneaux, pigeons et poulets.
Enfin par cette invitation,
Nous vous exhortons vivement
D’accroître le nom et la gloire
De notre illustre Régiment.