Brevet des registres de la calotte, pour le Sieur Crébillon
Nous, Général de la Calotte,
À toutes gens porte-marotte,
Nous disons par ce mandement,
Que musiciens, peintres, poètes,
Attendu les faveurs secrètes
Que met en eux le firmament,
Sont enfants-nés du Régiment.
Mais les règles les plus étroites
Ayant toujours exception,
Nous prenons cette occasion,
Afin de vous faire comprendre
Jusqu’où la règle doit s’étendre,
Vu que dans les trois arts susdits,
Il se trouve certains esprits
Que leur humeur sombre et brutale
Exclut de la loi générale.
Tel est le rimeur Crébillon,
Dont la muse des plus féroces
Verse le sang à gros bouillon,
Par les rimes les plus atroces,
Savoir par noire trahison,
Assassinat, meurtre et poison,
Comme dans Atrée et Thieste,
Rhadamiste et Sémiramis,
Horreurs qu’à bon droit on déteste,
Avec l’auteur qui les a mis
Et les met encore au théâtre.
Et lequel, quoi qu’admonesté,
Reste toujours opiniâtre
dans son horrible cruauté.
À ces causes, sûr que la France
En ce cas nous approuvera,
Tant que bonté, douceur, clémence,
Sur son beau climat régnera,
Nous reléguons en Angleterre,
Cet horrible et cruel rimeur,
Comme convenable à l’humeur
D’un furieux et vil parterre,
À savoir bouchers, boucaniers,
Tripiers, portefaix, mariniers,
Toutes gens de sac et de corde,
Haïssant la miséricorde,
Aimant à voir couler le sang
Des personnes du plus haut rang.
Exhortons tous les Cromwellistes,
Fanatiques et duellistes,
Gladiateurs indépendants,
Dont ces pays sont abondants,
De profiter de ses maximes.
Pour excuser les plus grands crimes.
Enfin comme un talent si beau
Tous les jours en lui se raffine,
Sur la scène il sera bourreau,
Il en a tout l’air et la mine.