La voix du Parisien, ou les premières vêpres de la chandeleur
La voix du Parisien, ou les premières vêpres de la chandeleur.
Paraphrase du cantique Nunc dimittis
Quoi, d’Argenson, Machault ! Est-ce donc aujourd’hui
Purification ? Grand Roi, non, c’est la veille :
Quoi ! ces deux confidents du cœur et de l’oreille,
Qui semblaient de l’Etat, la boussole et l’appui.
Nunc dimittis
Nunc dimittis, hélas ! n’est pas le seul cantique,
Qu’on nous entend chanter pendant tout ce micmac :
C’est le Miserere, dans un moment critique ;
C’est tantôt Te Deum, et tantôt Salvum fac.
Servum tuum domine
Si l’Église et l’État sont si fort agités,
Nous ne nous plaindrons pas de notre prévoyance :
D’un mot aux deux partis vous imposez silence :
Nous serions plus heureux, s’ils étaient tous restés
Secundum verbum tuum in pace
Mais de ce double exil quel que soit le mystère,
Vil peuple, c’est à nous d’admirer et nous taire !
Avons-nous mieux compris celui du Parlement ?
Louis a ses raisons et dira seulement
Quia viderunt oculi mei.
Mêlez à votre gré les effets et les causes :
Élevez, abaissez tel ou tel favori.
Mais rendez-nous heureux, Ô monarque chéri ;
Et nous demanderons à Dieu sur toutes choses
Salutare tuum
De vos fiers ennemis que vous soyez vengé :
C’est ce qu’au Tout-Puissant nous demandons encore.
Suivez le plan de guerre au conseil arrangé.
Dans le plus grand succès puissions-nous voir éclore
Quod parasti.
Qu’au Palais cependant notre aveugle Thémis
Aveugle, au moins manchotte, agisse et diligence
Pour dévoiler le crime et nous donner vengeance
De l’affreux attentat à Versailles commis
Ante faciem amnium.
Le Ciel même autrefois eut un ange rebelle,
Au Paradis terrestre un serpent pénétra :
Chez toi se trouve un monstre, O nation fidèle :
Louis n’en fut pas moins l’amour et le sera
Populorum.
Le Roi voit l’assassin, le plaint et lui pardonne ;
Mais nous lui destinons le plus affreux tourment :
On en voit à regret différer le moment ;
Et nous voulons surtout qu’il parle et qu’il nous donne
Lumen ad revelationem.
Mais non, la nuit plutôt doit cacher tant d’horreurs !
Etranger, ni Français, personne n’est complice.
Vivez, Prince, vivez, que le monstre périsse ;
Et que sa mort enfin puisse tendre à l’honneur
Gentium et gloriam plebis tuae.
Vos yeux et votre cœur, grand Roi, sont nos refuges.
Des impôts de l’Égypte allégez-nous le poids ;
Contenez le lévite et donnez-nous des juges :
Gouvernez comme Dieu gouvernait autrefois
Israël.
Clairambault, F.Fr.12721, p.223-27 - F.Fr.10291 (Barbier), f°19-20 - FFr.13651, p.75-77 - CLK, février 1757, t.I, p.77
Voici des vers auxquels l’exil des deux ministres a donné lieu.