Sur la Constitution
Hé, pourquoi donc
1
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Faut-il tant vous étonner
Disent les fils d’Ignace,
Par là nous faisons condamner
Quiconque nous efface.
2
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Bissy dit : sans tant raffiner
Sot qui par trop finasse,
Ma plume à force d’ânonner
M’a tiré de ma crasse.
3
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raffiner ?
Soissons répond sans s'étonner
Ce mystère me passe
Mais mon babil peut me mener
A quelque grande place.
4
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Fleury qui sait mal raisonner
Dit d’un ton plein d’audace :
J’aurai l’honneur d’exterminer
La janséniste race.
5
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Noailles se laissa mener,
Dit-on, à la bonace,
Il fit cela pour détourner
L’orage qui menace.
6
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Hélas, j’ai beau me retourner,
Dit Languet qui s’en lasse,
A ceux qui peuvent me donner
Je tends en vain ma tasse.
7
Guéret dit : je ne puis tourner
Ailleurs qu’où va la masse ;
C’est le vent qui doit gouverner
Le parti que j’embrasse.
8
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Goulard dit : pourquoi me gêner
Sur tout ce qui se passe ?
Pourvu que je trouve à dîner,
La grâce est efficace.
9
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Vivant à force de jeûner
Croit voir le diable en face
Qui dans l’enfer va l’entraîner
Dès que Rome grimace.
10
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Le bon vivant sans chicaner
Dont j’ai gagné la place
A ce prix sans me chagriner,
Je veux qu’on me rechasse.
11
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Dieu peut-il vous le pardonner
Lui dit la populace,
Quand vous nous aurez fait damner,
Prendrez-vous notre place ?
12
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Croissy, dit-on, a beau tonner,
Me mettre à la besace,
Rien ne pourra me suborner,
Quelques maux qu’on me fasse.
13
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Jouanin qui sait se borner
A des saints suit la trace
Dit : pour me faire frissonner
Enfin Tencin croasse.
14
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Orléans1
se vit condamner
Mais sa lettre surpasse
Le nom qu’on a cru lui donner
De nonce savantasse
15
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Bourbon qui vient de m’ordonner
De me taire, m’agace.
Je parlerai sans tâtonner
Fût-ce au ministre en face.
16
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
Latour dit : j’ai cru bien gagner
D’aller la tête basse,
Je vois bien que sans m’épargner
Sur mon dos chacun passe.
17
Hé, pourquoi donc sur cette grâce,
Hé pourquoi donc tant raisonner ?
La Borde qui sait gasconner
Quand le cas s’embarrasse,
A mieux aimé s’en retourner
Plumer la poule grasse.
- 1Fleuriau, évêque d’Orléans (Castries)
F.Fr.15132, p.275-82 - Arsenal 2932, f°12ter-16v - Arsenal 3116, f°99r-101v - BHVP, MS 658, f°146-51 - Mazarine Castries 3984, p.362-67 - BHVP, MS 542, f°71-77