Sans titre
La mort n’a d’égard pour personne.
A force de soldats, si l’on était exempt
De payer le tribut que sur toutes elle prend,
Le roi Louis, soi-disant Grand,
Porterait encor la couronne.
Il est enfin dans le tombeau.
Si son règne n’est le plus beau,
Il est le plus long dont l’histoire
Nous ait conservé la mémoire.
Avec ses dents naquit le roi
Dont au malheur du peuple il fit un rude emploi.
Pour vain monument de sa gloire,
Ses flatteurs ont construit la place de Victoire
Et bravé des peuples divers
Qui l’eussent mis lui-même aux fers
Et puni sa superbe outrée
Sans une paix utile avec honte impétrée.
Par son ambition folle et démesurée
Dans l’Europe il a mis le feu de toutes parts ;
D’ennemis la France entourée
Ne les a repoussés qu’en servant de curée
Aux maltôtiers plus durs que Mars.
Par lui la noblesse abattue,
Dans l’État point de loi connue
Sinon sa volonté tyrannique, absolue,
L’adultère et le rapt commis sans retenue
La foi promise et rarement tenue,
La valeur, le mérite à bas,
Les lâches et les sots en crédit, en estime,
Font que l’on peut bien de son tardif trépas
Qui rend la liberté, se réjouir sans crime.
Il ferma les yeux pour toujours
Du mois de septembre le premier jour
En l’année mil sept cent quinze,
Quinze lustres complets deux ans moins quatre jours
De sa vie ennuyante ont composé le cours.
Si par excès de joie on peut verser des larmes
On en répandra pour lui.
Français n’ayez point d’alarmes
Si pour roi vous n’avez qu’un enfant aujourd’hui,
Par Orléans guidé, qu’il apprenne à le suivre
De son fier bisaïeul il fuira les sentiers
Et nous verrons en lui revivre
Ses plus illustres devanciers.
F.Fr.12796, f°29r-30r - F.Fr.15152, p.115-19
Version négative de $3619 sur les mêmes rimes