Chanson sur l’année merveilleuse
I
De ce système tant couru
Sur le sexe et le la vertu
L’idée est trop ténébreuse.
De lui je n’ai point attendu
L’année, l’année merveilleuse
La femme est encore quiteuse,
Le fat goûté, le joueur gueux,
Quel trait me marque donc chez eux
L’année, l’année merveilleuse.

2
Quoique souvent pour vérité
On prenne un trait évaporé,
Sorti d’une tête creuse,
Dois-je croire avec fermeté
L’année, l’année merveilleuse ?
Qu’on voye beauté pieuse
Un peintre sobre, un Gascon vrai,
Un auteur humble et je croirai
L’année, l’année merveilleuse.

3
Mon époux triste et langoureux
Ignore l’art ingénieux
De rendre une femme heureuse
Et me promet pour vivre mieux
L’année, l’année merveilleuse.
Mais en femme industrieuse
Pour réparer mon déplaisir
Dois-je attendre pour le punir
L’année, l’année merveilleuse ?

4
Non, non, je ne suis point cocu.
Sur ma femme et sur sa vertu
Je n’ai point l’âme douteuse.
Elle n’a point encore vu
L’année, l’année merveilleuse.
Mais Colette peu trompeuse
Lui dit : apprenez, ignorant,
Que l’on peut trouver en tout temps
L’année, l’année merveilleuse.

5
Agnès et Lise ont quatorze ans
Et leurs mères des soupirants
chassent la troupe amoureuse
quand viendra donc pour ces enfants
L’année, l’année merveilleuse ?
La nature plus soigneuse
Leur apprit à faire d’un coup
Arriver avant le mois d’août
L’année, l’année merveilleuse.

6
Blaise voit naître en sa maison
Après quatre mois d’union
Le fruit d’une couche heureuse.
Se met-il en colère ? Non.
L’année, l’année merveilleuse.
Prenez une humeur joyeuse,
Mon cher époux, c’est un présent
Que vous fait en ce jour charmant
L’année, l’année merveilleuse.

7
Que m’importe en cette saison
Que je sois fille ou bien garçon,
La chose est peu curieuse.
Je sais trouver dans ma maison
L’année, l’année merveilleuse.
La femme n’est point fâcheuse
Mon vin est bon, je ne dois rien.
N’ai-je pas dans ce petit bien
L’année, l’année merveilleuse ?