Réponse de M. de Voltaire au roi de Prusse
Réponse de M. Voltaire au Roi de Prusse
qui lui avait fait l’honneur de lui mander
qu’il avait été très malade. Le 9 mai 1747
Les fileuses des destinées,
Les Parques, ayant mille fois
Entendu des âmes damnées
Parler là bas de vos exploits,
De vos rimes si bien tournées,
De vos victoires, de vos lois,
Et de tant de belles journées,
Vous crurent le plus vieux des rois.
Alors des Rives du Cocyte
A Berlin vous rendant visite,
La mort s’en vint avec le Temps,
Croyant trouver des cheveux blancs,
Front ridé, face décrépite,
Et discours de quatre-vingt ans ;
Que l’inhumaine fut trompée !
Elle aperçut de blonds cheveux,
Un teint fleuri, de grands yeux bleus,
Et votre flûte, et votre épée ;
Elle se souvint par bonheur,
Qu’Orphée autrefois par sa lyre,
Et qu’Alcide par sa valeur,
La bravèrent dans son Empire.
Dans vous, dans mon prince elle vit
Le seul homme qui réunit
Les dons d’Orphée et ceux d’Alcide.
Doublement elle vous craignit,
Et laissant son dard homicide,
S’enfuit au plus vite, et partit
Pour aller saisir la personne
De quelque pesant cardinal,
Ou pour achever dans Lisbonne,
Le prêtre Roy de Portugal.
Clairambault, F.Fr.12716, p.151-54 - F.Fr.13658, p.305-06
Best. D3514. En fait la lettre est du 9 mars 1747