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Chanson

Chanson
Voici Brillon
Maître câlin à face ronde,
Bénin poupon,
L’œil toujours en dévotion,
S’efforce de tromper le monde,
En cour, à la ville, à la ronde,
Voilà Brillon.

Voici Brillon
D’abord appelant janséniste,
Il se crut bon ;
Il parlait tout haut sur ce ton,
Mais cherchant fortune à la piste
Il se fit bientôt moliniste
Voilà Brillon.

Voici Brillon
On le met à Sainte-Opportune,
Ah, quel affront !
Pour qui, s’écrie-t-il, me prend-on ?
S’il faut que mon zèle importune,
Je changerai bien la fortune
Voilà Brillon.

Voici Brillon
Aussitôt il prêche, il déclame,
Fait carillon.
D’Augustin comme de Léon
Il renverse toute la gamme.
Désormais Molina l’enflamme
Voilà Brillon.

Voici Brillon
Vintimille à la grosse panse,
Mais bon garçon,
Veut lui donner un plus beau nom.
Vraiment, dit-il, la belle engeance,
Saint Benoît pour ma récompense
Voilà Brillon.

Voici Brillon
Saint-Roch est un plus beau théâtre
À ma façon,
Je brillerai par mon jargon,
Je saurais bien balayer l’astre
De toute la race opiniâtre
Voilà Brillon.

Voici Brillon
Dès lors il choisit pour son guide
Et son patron,
Tencin, en homme à grand renom,
Et sa sœur, la nonne homicide ;
Comme eux, il sera bon perfide
Voilà Brillon.

Voici Brillon.
Tencin lui dit : suivez mes traces,
Cher compagnon,
Servez la Constitution,
Elle seule conduit aux grâces,
Vous aimez les premières places
Voilà Brillon.

Voici Brillon.
Le pasteur, disciple docile,
Sait sa leçon.
Dès la première instruction
Il parle d’abord l’ancien style.
Nous croyons qu’il sera tranquille
Voilà Brillon.

Voici Brillon.
Il attire dans son église
Des polissons,
Gens plus muets que des poissons,
Un houssard chassé sans raison
Du séminaire, cathéchise.
Voilà Brillon.

Voici Brillon.
Mais qu’un prêtre parle aux fidèles
Religion,
Qu’il en soit l’édification,
Que partout il montre son zèle
Pour Brillon, c’est un infidèle
Voilà Brillon.

Voici Brillon.
Nos meilleurs ecclésiastiques
Sont des démons
Qui ne vomissent que poison
Il les tient pour des fanatiques
Sans pouvoir les dire hérétiques
Voilà Brillon.

Voici Brillon.
Bientôt il leur fait interdire
Leurs fonctions,
Messe et prédications,
Sans que sa maligne satire
Puisse rien trouver à leur dire
Voilà Brillon.

Voici Brillon
Il ajoute à cette injustice
La trahison.
Messieurs, dit-il, je vous réponds
Que c’est pour mon cœur un supplice
De vous voir rester sans office
Voilà Brillon.

Voici Brillon
Quelle sera donc notre attente
De tes sermons,
Toi qui, rempli de passions,
Ne montre rien qui ne démente
Les vertus que tu nous présentes
Voilà Brillon.

Voici Brillon
Je sens bien que tu fais la mine
À ma chanson.
Mais tu la boiras tout du long,
Tu mérites qu’on te chagrine
Et que l’on dise à la doctrine
Voilà Brillon.

Voici Brillon
Tu sais que pour  la pénitence
L’attrition
Ne suffit pas en confession,
Mais que l’amour de préférence
Est pure opinion en France
Voilà Brillon.

Voici Brillon
L’autre jour sur la sainte grâce
Dans un sermon
Tu te ruinas le poumon,
Mais tu ne dis pas que Dieu fasse
Qu’elle soit en nous efficace
Voilà Brillon.

Voici Brillon
Si tu prêchais, faute mortelle,
La trahison,
Alors nous te riposterions
Que c’est légère bagatelle
Puisque tu nous sers de modèle
Voilà Brillon.

Voici Brillon
Un curé fourbe, un hypocrite,
Un historien,
Un homme plein d’ambition,
Ne te plains pas si je t’irrite,
Tu n’as que ce que tu mérites
Voilà Brillon.

Numéro
$3172


Année
1739 (BHVP 639) / 1745




Références

Clairambault, F.Fr.12808, p.257-62 - Maurepas, F.Fr.12635, p.139-45 - F.Fr.13657, p.185-87 - F.Fr.13662, f°212r-213r -F.Fr.15149, p.221-22 -  F.Fr.15231, f°244r -  BHVP, MS 549, f°34v-38r - BHVP, MS 659, p.115-21