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Parodie d'une scène de Mithridate

Scène1
MM. les évêques de Mirepoix et de Montpellier et M. Sabatier

Sabatier2
Ha, que vois-je, seigneur, et quel sort est le vôtre ?

Mirepoix
Cessez et retenez vos larmes, l’un et l’autre.
Mon sort, de la tendresse et de votre amitié
Veut d’autres sentiments que ceux de la pitié,
Et ma gloire plutôt digne d’être admirée
Ne doit point par des pleurs être déshonorée.
J’ai vengé les chrétiens autant que je l’ai pu.
La mort dans ce projet m’a seule interrompu.
Ennemi des Romains et de la tyrannie,
Je n’ai point de leur joug subi l’ignominie
Et j’ose me flatter qu’entre les noms fameux
Qu’un zèle de cabale a signalé contre eux
Nul ne leur a plus fait acheter la victoire
Ni du grand Vatican mieux attaqué la gloire.
Le Ciel n’a pas voulu qu’achevant mon dessein
Un concile me vit expirer dans son sein.
Mais au moins quelque joie en mourant me console ;
J’entends les cris plaintifs d’Ignaciens que j’immole.
Sur leurs écrits trompeurs j’appesantis ma main
Et je laisse Quesnel formidable aux Romains
A mon fils de Croissy je dois cette victoire,
Son courage soutient mon honneur et ma gloire.
Que ne puis-je payer ce service important
De tout ce que mon zèle eut de plus éclatant !
Mais vous porterez loin mon zèle et ma couronne.
Chers écrits immortels, souffrez que je vous donne
Et les titres d’honneur que j’exigeais de vous
A ce fils si chéri je les résigne tous.

Sabatier
Vivez, seigneur, vivez pour nous voir l’un et l’autre
Admirer les écrits d’un véritable apôtre.
Vivez pour triompher de Le Tellier vaincu,
Pour venger

Mirepoix
                       C’est fait, Sabatier, j’ai vécu
Mon fils, songez à vous, gardez-vous de prétendre
Que de tant d’ennemis vous puissiez vous défendre.
Bientôt les Loyolas, de leur honte irrités
Viendront ici sur vous fondre de tous côtés.
Ne perdez point le temps que vous laisse leur fuite
À rendre à mon tombeau des soins dont je vous quitte.
Tant d’Ignaciens sans chaire et de la cour chassés
Suffisent à ma cendre et l’honorent assez.
Cachez-leur pour un temps vos noms et votre vie
Allez, réservez-vous.

Montpellier
Moi, Seigneur, que je fuie !
Que les Meaux impunis, les Rohans triomphants
N’éprouvent pas bientôt

Mirepoix
                              Non, je vous le défends
Tôt ou tard, il faudra que leur secte périsse.
J’entrevois dans le Ciel leur honte et leur supplice.
Mais je sens affaiblir ma force et mes esprits ;
Je sens que je me meurs ; approchez-vous, mon fils,
Dans cet embrassement plus consolant que triste,
Venez, et recevez l’âme d’un janséniste.

Sabatier
Il expire.

Montpellier
                    Unissons, Sabatier, nos douleurs,
Et chez les Bérulliens cherchons-lui des vengeurs.

  • 1Parallèle de la mort de monsieur l'évêque de Mirepoix avec celle de Mithridate, ou parodie de la dernière scène de la tragédie de Mithridate mourant. On suppose la scène à Mazère ( ?) dans le cabinet de M. l’évêque de Mirepoix mourant dans un fauteuil appuyé sur un saint Augustin et sous ses pieds Escobar et Molina, et autres auteurs jésuites, un Quesnel et la Constitution sur sa table tenant à la main dont il appuie sa tête une poignée de manuscrits et dans l’éloignement sur un pupitre un Jansenius ouvert.. Pour avoir plus de plaisir à lire cette pièce il faut en même temps lire la tragédie de Mithridate pour y voir les endroits qui sont changés.
  • 2Évêque de Bordeaux

Numéro
$3036


Année
1717




Références

Clairambault, F.Fr.12696, p.296-296B -Maurepas, F.Fr.12629, p.141-43 -  F.Fr.15018, p.180-82 -  F.Fr.15231, f°42r-43r - Arsenal 2961, p.434-38 - Arsenal 2975, p.28-31 - Arsenal 3128, f°184r-185r - Arsenal 3132, p.329-32 - BHVP, MS 599, f°29-30 - Lyon BM, MS 757, f°55-56