Sans titre
Du dieu de l’harmonie adorateur fidèle1
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Son zèle impétueux ne pouvait s’arrêter :
Dans l’art du violon il n’eut point de modèle,
Et personne jamais n’osera l’imiter.
- 120 février a. M. le baron de Bagge, très connu par un procès fameux que sa femme lui a intenté, il y a déjà quelques années, l’est encore plus par des concerts qu’il donne depuis longtemps, les plus brillants de Paris. Il est fou de musique, il ne parle que de musique, il ne rêve que musique, il ne vit qu’avec des musiciens, et il consacre à cette passion les trois quarts de sa fortune considérable. Il ne vient point de virtuose à Paris qu’il ne veille voir et entendre, à quelque prix que ce soit. C’est ordinairement chez lui qu’on débute avant de paraître au concert spirituel. – Malheureusement, M. le baron de Bagge a la manie de jouer du violon ; et quoique plein de goût et de connaissances, quoiqu’ayant le tact excellent pour apprécier le talent d’autrui, il est aveugle pour son propre compte ; il croit ne pas jouer simplement comme un amateur, mais comme un professeur consommé. En conséquence, il n’est aucun de ses concerts où il ne veuille régaler l’assemblée de quelque solo de sa façon, et il faut, pour lui plaire, l’entendre avec la plus grande attention, le combler de bravo, et de bravissimo. Cette farce dépare un peu la magnificence de son spectacle, plus renommé encore pour la musique instrumentale que pour la vocale. Quoi qu’il en soit, tout ce peuple d’harmoniphiles, qui ne vit qu’à ses dépens, l’entretient dans sa folie, et l’encense du soir au matin sur son superbe jeu, sur son archet divin. – Enfin, il vient tout récemment de se faire peindre, un violon à la main comme un ménestrier, regardant cet instrument pour son plus digne attribut. Un plaisant lui a offert très sérieusement le quatrain suivant à inscrire au bas, et son amour-propre le lui a fait adopter, quoiqu’il soit facile de juger que ce n’est qu’un persiflage complet (M.).
Numéro
$2495
Année
1782
Mémoires secrets, XX, 83-84
Références