Le progrès de l'astronomie
Ode1
Que le plus grand des monarques
Sous qui trembla l’univers,
Malgré la rigueur des Parques,
Revive dans nos concerts.
Nourrissons de Polymnie
Perçons par notre harmonie
La ténébreuse cité ;
Allons sur les pas d’Orphée
Lui consacrer un trophée
Aux bords mêmes du Léthé.
Il offrit près de la Seine
Un asile aux doctes soeurs ;
Phoebus quitta l’Hypocrène
Attiré par ses faveurs.
Reine des célestes voûtes2
,
Pour nous en ouvrit les routes
Tu descendis ici-bas,
Tu pris soin de nous instruire
Et Louis te fit construire
Un temple dans ses États3
.
L’océan sous tes auspices
Vit l’audace des nochers
Affronter ses précipices
Et traverser ses rochers ;
Elle fit pâlir Nérée !
Nos vaisseaux, malgré Borée,
Par le secours de ton art
Poursuivrent la fortune
Sur des plages, où Neptune
N’osait conduire son char.
Jusqu’aux frontières du monde
Je vois voler les humains ;
Sur les abîmes de l’onde
Le ciel trace des chemins.
Accourez, peuples avides
Que les montagnes liquides
Ont séparés de nos bords,
Les vents vous prêtent leur aile,
Le commerce vous appelle
Et la France ouvre ses ports.
Sous un orbe diaphane4
Quelle fée à nos regards
D’Apollon ou de Diane
Réunit les feux épars5
?
Le firmanent se dévoile,
La nuit déchire sa toile
Et du céleste séjour,
Le souverain du tonnerre
Voit les hôtes de la terre,
Se transporter dans sa cour.
Téméraires Zoroastres,
Dont les dieux furent jaloux,
L’Olympe enfante des astres
Qui n’ont point brillé pour vous !
Nous découvrons dans la nue
Plus d’une sphère inconnue
Que cachait un sombre azur :
L’univers se multiplie !
La terre qui s’humilie
N’est plus qu’un atome obscur.
Louis régna sur les plaines
Où Neptune est respecté :
Aux rives les plus lointaines
Son pouvoir fut redouté.
Sa bannière triomphante
Portait partout l’épouvante
Et Vulcain de nos vaisseaux
A travers l’humide gouffre
Lançant le nitre et le soufre
Mêlait la flamme et les eaux.
Suffit-il que la Victoire
Qui le ceignit de lauriers
Dans les fastes de l’hisoire
Grave ses travaux guerriers ?
Pour lui rendre un digne hommage,
Muses, placez son image
Entre les célestes feux ;
Qu’il brille à côté d’Alcide6
,
Que désormais il préside
Au sort de ce peuple heueux.
Mais la muse qui m’inspire
S’envole pleine d’effroi !
Apollon brise sa lyre !
Le Pinde fuit devant moi !
Loin d’ici, dieux chimériques,
Enfants des fables antiques,
Objets d’un culte imposteur :
Quel éclat ! l’Olympe s’ouvre
Et la natture y découvre
Le palais de son auteur !
C’est là qu’à jamais séjourne
Ce monarque glorieux.
Sous ses pieds le pôle tourne ;
Il fixe sur nous les yeux.
L’Éternel marqua sa place
Près du saint roi de sa race
Pour qui fume notre encens.
À sa droite est la Justice
Et d’une oreille propice
Il écoute mes accents.
- 1Le progrès de l’astronomie sous le règne de Louis XV. Par M. de La Faye, conseiller honoraire au Châtelet de Paris et premier commis de M. le marquis de Breteuil, secrétaire d’Etat. (M.)
- 2Uranie. (M.)
- 3L'Observatoire. (M.)
- 4Le télescope. (M.)
- 5La dioptique. (M.)
- 6Hercule, constellation septentrionale. (M.)
Clairambault, F.Fr.12699, p.272 (Imprimé de 6 p. in-12) - Maurepas, F.Fr.12631, p.285-89