Sans titre
Venez ici, grands et petits,
Venez voir dans Saint-Denis
Le Tellier, l’âme désolée,
Au pied d’un fort beau mausolée
D’un air hypocrite et cagot
Y contrefaisant le dévot.
Le minois pâle et languissant,
Plus consterné qu’un pénitent,
Les yeux baissés, les deux mains jointes,
Moins par dévotion que par crainte
Il demande inutilement
Sa grâce au roi impuissant.
Devinez-vous bien pourquoi
Il est si fort en désarroi ?
Le perfide contre l’Église
Avait formé une entreprise
Et voulait contre son prélat
Commettre un horrible attentat.
Non content de l’autorité
Que le Roi lui avait donnée,
Disposant à ses fantaisies
Des évêchés, des abbayes,
Sur les cœurs il aurait voulu
Avoir un empire absolu.
Rien ne pouvait mettre à couvert
De la fureur de ce pervers,
Autels, couvents et maisons saintes
Étaient par lui détruits sans crainte
Et toute la religion
Ne serait qu’à son ambition.
Or voyez jusqu’où s’égara
Ce forcené scélérat,
Car le défenseur de l’Église,
Le saint Noailles, à Pierre-Encise
Par bonne lettre de cachet
Il voulait chasser en secret.
Il voulait être le fléau
Et pour lui faire sentir sa rage,
Le déposséder de sa charge
Dont il avait bien résolu
De revêtir un dissolu.
Mais Dieu auquel rien n’est caché,
De ses mains les a délaissés ;
Témoins de leur persévérance
A récompensé leur constance
En faisant retomber sur lui
Ce qu’il préparait pour autrui.
Maintenant qu’il se voit fondu,
Que son projet est confondu,
L’hypocrite a pris pour asile
Le tombeau d’un roi trop facile
Qui ne le garantira pas
D’un châtiment qu’il mérita.
BHVP, MS 551, p.226-28