Stances
Stances
Objet d’un amour très coupable,
Cloris, seriez-vous donc capable
D’avoir profané le saint lieu
Et par des feux illégitimes
Attenté sur les droits de Dieu
En lui débauchant ses victimes ?
N’est-ce point assez que vos charmes
Par la puissance de leurs charmes [sic]
Mettent les mondains aux abois
Quoi, votre beauté sans seconde
Ferait mourir plus d’une fois
Ceux qui sont déjà mort au monde.
S’il est vrai que sous votre empire
Un moine nuit et jour soupire,
Accablé de mille tourments,
Malgré ses grandes destinées
Vous pourrez parmi vos amants
Voir une tête couronnée.
Celui que votre aimable vue
Par les traits dont elle est pourvue
Réduit en extrême langueur,
Contre la règle qu’il a prise
Aime mieux être en votre cœur
Que dans celui de son Eglise.
Souvent de votre conscience
Par une sainte confiance
Vous lui découvrez les trésors,
Mais pour mieux animer sa flamme
Il contemple votre beau corps
Plus à nu qu’il ne voit votre âme.
Par un long jeûne et des stigmates
La sainteté chez vous éclate
Mais vos extases et vos visions
Sont-ce des effets purs du hasard
Ou de bonnes convictions
De l’art magique de Girard ?
Le fourbe et rusé politique,
Aussi libertin qu’hypocrite,
Vous prêchait le vouloir divin
Pour vous mettre en mauvais chemin
Et pour parvenir à son but
Aux dépens de votre salut.
Vous avez connu, mais trop tard
Que ce prêtre, maudit paillard,
Au lieu de vous faire une sainte
Vous faisait devenir enceinte
Et qu’il jouait à certain jeu
Qui sentait la corde et le feu.
Cloris, priez le Dieu puissant
Qu’il inspire à ce parlement
De juger suivant la justice
Lequel a le plus de malice,
Et qui des deux est plus coupable,
Vous, ou cet homme abominable.
F.Fr.23859, f°100