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Etat de transformation en Dieu qu'on aime

Etat de transformation en Dieu qu’on aime
Heureuse perte en Dieu, la nature et la grâce
M’ont ôté tout appui ;
Je ne sens rien en moi de tout ce qui s’y passe,
Le repos ni l’ennui.

J’agis et n’agis pas,
Mais d’un attrait ravie
J’obéis doucement ;
Je ne connais pas bien d’où procède ma vie,
Mon cœur n’est qu’instrument.

Je souffre tous les jours sans plaisir et sans peine
Par un pur abandon,
Mon abandon se fait d’une atteinte soudaine
Et ma perte est un don.

Si vous me demandez l’objet de ma pensée,
C’est l’unique Seigneur ;
Mes sens lui sont soumis, mon âme n’est blessée
Il fait tout mon bonheur.

J’ai mes biens oubliés et tous mes maux encore
Je ne sais rien de moi ;
Par quel attrait je sens ou je prie ou j’adore
Je réponds de ma foi.

La foi qui me soutient n’est ni nuit ni lumière
Car je crois et je vois
Un rayon sombre et clair de la beauté première
M’abîme mille fois.

J’aime mieux mon néant que l’empire du monde.
Mais non, j’ai mal parlé :
Mon néant s’est perdu dans une paix profonde,
L’amour a tout mêlé.

Cet amour transformant en un être suprême
L’être humain imparfait,
Je ne vis plus en moi, je ne suis plus moi-même,
C’est un autre en effet.

Que si je parle encore, si je dis, c’est un autre ;
C’est qu’il le veut ainsi ;
Ou se taire ou parler n’est presque rien du nôtre
Dieu seul préside ici.

En moi tout est perdu, cette âme n’est plus vive
Faut-il s’en étonner ?
Lorsqu’on s’abîme en Dieu rarement il arrive
Qu’on veuille en retourner.

Toutes fois on le peut, la nature est nature.
Dieu seul est son soutien
Soutenez-moi, Seigneur, qu’aucune créature
Ne m’ôte un si grand bien.

Que comme je m’ignore, on m’ignore, on m’oublie,
Oui, qu’on me cherche en vous
Et que sur mon néant toujours plus établie
Je porte un cœur jaloux.

 

Numéro
$1971


Année
1731




Références

F.Fr.23859, f°49


Notes

$1969, $1970, $1971 semblent de la même main.