Le Voyageur. Conte
Le Voyageur, conte
Un certain voyageur ayant été volé
Par des gens masqués sur la brune
S’en alla triste et désolé
Dans un temple de la Fortune
Où l’oracle de Vérité
Était autrefois consulté
Sur les larcins et brigandages
Que sans cesse on faisait dans les bois d’alentour
Et dans les plus prochains villages.
Il arriva qu’il était jour.
Hélas quelle fut sa surprise
Quand il vit le dieu décollé.
Cet oracle avait trop parlé.
Certain brigand à barbe grise
Par un sacrilège attentat
L’avait mis dans ce triste état.
Le voyageur confus s’adresse à la Fortune.
Il la consulte sur son vol.
Mais elle, craignant pour son col,
Lui dit : Sortez l’ami sans faire aucune plainte.
Je me règle toujours sur l’exemple d’autrui.
Jadis le dieu rendait mille fameux oracles ;
Tous les jours il faisait miracle sur miracle.
Il était dieu ; voyez ce qu’il est aujourd’hui.
Pour avoir été trop sincère
Je pourrais encourir même destin que lui
Si je ne savais pas me taire.
On ne doit pas toujours dire la vérité.
La trop grande sincérité
Peut attirer plus d’une affaire.
F.Fr.23860, f°160