Épître de la Mariette au prince de Carignan
Épître de la Mariette1
au prince de Carignan2
Pot-pourri
1. Air : Aimable vainqueur
Reviens, cher amant,
Calmer mon tourment ;
Prince plein de charmes,
Viens sécher mes larmes
Par ton doux retour ;
Ta longue absence,
Plus que l’on ne pense,
Coûte à mon amour.
Laisse là, crois-moi,
Mars et son tonnerre :
Le bruit de la guerre
N’est pas fait pour toi.
Viens emprunter
Et viens affronter
La cour et la ville,
Et veuve et pupille,
Paiera qui pourra.
Laisse là l’honneur
Et cours à la ville,
Héros d’opéra3
.
2. Air : Mariez, mariez, mariez-moi
Cher amant, toute la nuit,
Un songe affreux m’épouvante ;
Ton image qui me suit,
Me paraît toujours sanglante.
Aussitôt je vais tomber,
Pâle, éperdue et tremblante,
Aussitôt je vais tomber
Dans les bras de Javillier4
.
3. Air : Monsieur de La Palice est mort5
Il est tout mon réconfort :
Il me dit : Ma tendre amie,
Non, ton prince n’est pas mort,
Car il aime trop la vie !
4. Air : Ah, qu’il est sage
Il est trop sage
Le prince qui t’engage,
Il est trop sage
pour courir au danger.
5. Air : Ingrate, c’est sans retour
Tandis que dans le combat
Le capitaine et le soldat
Se bat,
Ton prince, sage et prudent
Laisse vider le différend,
Caché dans un coin
Il voit le feu de loin.
Fin du pot-pourri6
.
De ses jours prends soin,
S’y voyant sans témoin
Il rumine là
Les tours qu’il fera,
Comme il pillera
L’Opéra,
Quel autre idiot
Et quel nouveau sot
Par arrêt falot
Il fera capot.
Air : Ah ! mon Dieu, que de jolies dames
C’est ainsi que Javillier parle
Pour me rassurer.
Air : Le beau berger Tircis
Mais rien ne peut guérir
Le cœur de ton amante.
Ma douleur me fait languir
A chaque instant elle augmente.
Bellone menaçante, ah ! tu me fais mourir.
Air : Trembleurs
L’autre jour, la Renommée
Disait qu’un prévôt d’armée
T’avait sous une ramée
Pris parmi des maraudeurs.
Aussitôt je devins folle.
Ton épouse se désole.
Paris d’aise cabriole
Nous voyant verser des pleurs.
Air : Un petit moment plus tard
Je le criai dans mes transports,
Prince que j’adore,
Attends-moi sur les sombres bords,
Ne pars point encore.
Puis saisissant un poignard
Mais Javillier m’avait vue.
Un petit moment plus tard,
J’étais perdue.
Air : La troupe italienne
Il cria : Ma chère reine,
Quel dessein est-ce là ?
Et quel poignard voilà !
Pour percer ta bedaine
Faridondaine lon lan la,
Pour percer ta bedaine
Faridondaine
Prends cela.
Air : Pendus
Lui-même il prit soin de mes jours,
Me ranimant par ses discours.
Console-toi, ma bien aimée,
Et n’en crois pas la Renommée.
Va, ton cher prince n’est pas pris
Et sa maraude est à Paris.
- 1Danseuse de l’Opéra, maîtresse du prince de Carignan. (R)
- 2 - Victor Amédée de Savoie (1669 1741), prince de Carignan en Piémont et comte de Soissons en France, colonel général des gardes du duc de Savoie, et général des places du roi de Sardaigne dans le Milanais. Il était directeur de l’Opéra depuis 1731, lorsqu’il alla prendre part à la guerre de 1734 en qualité de lieutenant général. (R)
- 3Les Mémoires du temps donnent une assez triste idée de ce personnage. “ C’était, dit Barbier un fort bon prince mais extrêmement décrié par ses débauches avec nombre de filles d’Opéra, dont il était le premier directeur et pour le dérangement de ses affaires. Ses créanciers sont sans nombre, et il tenait à cet égard la conduite d’un escroc, attrapant tout ce qu’il pouvait, marchands et autres ; c’est ce qui a fait dire qu’il y avait un homme à l’Opéra qui jouait toutes sortes de rôles, excepté celui de prince.”
- 4Danseur à l'Opéra.
- 5BHVP, MS 542 ne reproduit que cette strophe.
- 6En réalité le texte se continue, mais Castries 3986 est seul à le reproduire.
Raunié, VI,105-06 - Clairambault, F.Fr. 12705, p.233 -Maurepas, F.Fr.12633, p.331-33 - F.Fr.12675, p.211-14 - F.Fr.15133, p. 327-30 (incomplet) -F.Fr.15137, p.210-12 - Arsenal 2932, f°161v-162r - Arsenal 2934, p.235-237 - Arsenal 3116, f°190v-191r - BHVP, MS 542, p.311 (strophe 4) - BHVP, MS 542, p.312-13 (incomplet) - BHVP, MS 548, p.175-76 - BHVP, MS 658, p.162 (incomplet) - Mazarine MS 2166, p.388-89 (premier couplet) - Mazarine Castries 3986, p.81-84 - Lyon BM, MS 1553, p. 288-89
Les deux derniers couplets manquent dans la plupart des occurrences.