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Sans titre

Du nom de fille de l’amour1
Pourquoi s’être offensée ?
Sans équivoque et sans détour
J’explique ma pensée :
L’expression de votre amant
Est simple et naturelle.
Peut-on vous nommer autrement
Quand on vous voit si belle ?

Cloris, vous devez vos attraits
Au maître de Cythère ;
Il forma lui-même vos traits
Au sein de votre mère.
Pour réussir en son dessein
Vénu fut son modèle.
Front d’ivoire, oeil brillant, beau teint,
Oui, vous avez tout d’elle.

Quand sur votre tête un toquet
Vous tient lieu de coiffure,
Cupidon alors vous promet
De prendre sa figure ;
Quand vos cheveux, de blond chargés,
Flottent à la ceinture,
Malgré l’art on les croit parés
Par la seule nature.

Souvent Diane au fond des bois
Vous appelle à sa suite
Pour réduire un lièvre aux abois,
Le percer dans sa fuite.
Tout le gibier que vous courez
Avec cette déesse,
A chaque coup que vous tirez
Signale votre adresse.

Si vous laissez dans leurs forêts
Diane et les dryades,
Vous prenez en main des filets
Qu’ont tissus les naïades.
Ces nymphes cherchent les poissons
Dans leurs grottes profondes
Et vous chargent vos hameçons
Des richesses des ondes.

Mais plus avide des trésors
Qu’une muse vous donne,
Souvent aux plus divins transports
Votre esprit s’abandonne.
On lit avec plaisir les vers
Qu’Apollon vous inspire ;
Pour vous faire chanter ses airs
Il vous prête sa lyre

Que ne puis-je être auprès de vous
Pour vous voir et entendre,
Vous me verriez à vos genoux
Un amant vif et tendre.
Quand me rendrez-vous, ma Cloris,
Votre aimable présence ?
J’en connais encore mieux le prix
Par la cruelle absence.

Ramenez les ris et les jeux ;
Venez ici paraître
Et quittez pour combler mes voeux
Votre séjour champêtre.
Mais que dis-je, votre retour
Ne m’est-il pas à craindre ?
N’aurai-je pas de votre amour
Toujours lieu de me plaindre ?

Mais dans vos lettres votre coeur
Trop tendrement s’exprime.
Vous semblez répondre à l’ardeur
Qui dès longtemps m’anime
Dan l’espoir du prochain bonheur
Qui vient flatter mon âme
Je goûte déjà la douceur
De l’amoureuse flamme.

Le songes, enfants de la nuit,
Auteurs du badinage,
Vous dépeignent à mon esprit
Peu fière et peu sauvage.
Auprès de mes brûlants désirs
Cent fois je vous embrasse
Et pour savourer mes plaisirs
Vous souffrez mon audace.

  • 1Chanson d’un amant à sa maîtresse qui lui avait écrit des vers fort tendres, dans lesquels pourtant elle se plaignait de ce qu’il l’avait nommée fille d’amour.

Numéro
$1683


Année
1719 (Castries) / 1720




Références

Arsenal 3115, f°203v-205r - Mazarine Castries 3982, p.443-44 (incomplet) - Lyon BM, MS 1552, p. 354-59