Deux gens de bien1
Deux gens de bien se trouvaient à Versailles ;
Deux à la fois, c’était grande trouvaille ;
Aussi chacun était émerveillé.
Mais tout fripon craint d’être surveillé :
Des Parlements la vénale canaille,
Des financiers la basse valetaille,
D’Ogny2 , Sartine et la fourbe prêtraille3
Ont si bien fait que l’on a renvoyé
Deux gens de bien.

Allez, fripons, et faites bien ripaille4  ;
La cour sera votre champ de bataille.
Pour vous exprès tout y sera trié :
Ministres, ducs, tout est appareillé ;
Grâces à vous, il n’est plus à Versailles
Deux gens de bien5 .

• 1Autre titre : Au sujet du renvoi de Turgot et de la retraite de Malesherbes. (M.) — « On voyait entre les mains de quelques personnes des copies manuscrites d’un rondeau aussi singulier que méchant, composé à l’occasion de la disgrâce du sieur Turgot et de la retraite du sieur de Malesherbes », lisons‑nous dans le Journal de Hardy. Ce rondeau peut être singulier, mais il était moins méchant que le prétend notre chroniqueur. Hardy lui‑même, comme on a pu le voir, n’était‑il pas de l’avis du chansonnier ? (R)
• 2Directeur et fermier des postes. (M.) (R)
• 3On prêtait à M. l’archevêque de Paris d’avoir dit que les prières du jubilé avaient opéré le renvoi de ces deux ministres. (Hardy)
• 4Sots et fripons, ça, faites bien ripaille (CSPL)
• 5 Malesherbes se trouvait déplacé au milieu des intrigues et des tracasseries de la cour dont son âme honnête et loyale ne pouvait s’accommoder. « Il demandait à se retirer depuis plus d’un mois, ce qui n’était pas surprenant, attendu que son caractère, de franchise, de désintéressement et d’équité, ne pouvait en aucune façon s’amalgamer avec les intrigues qui y régnaient ; il désirait, s’il fallait en croire quelques personnes qui parlaient comme d’après lui, sauver au moins un quart de son honneur, craignant d’avoir déjà perdu les trois autres quarts, depuis le peu de temps qu’il était en place. » (Journal de Hardy.) (R)