Les Réformes du ministère
Les réformes du ministère1
Le digne ministre de France2
,
Doué d’esprit, d’intelligence
Et de raison ;
En réformant notre finance,
Répandra partout l’abondance.
Chanson, chanson.
Turgot, par son économie,
Fera pleuvoir sur la patrie
L’or à foison.
Il est assuré de son thème
Et nous vivrons par son système3
;
Chanson, chanson.
Tout va prendre nouvelle forme ;
On ne parle que de réforme
De mœurs, de ton :
Ce n’est plus le siècle des belles ;
On va déserter les ruelles.
Chanson, chanson.
Du luxe on va faire défense
Et l’on va borner la dépense,
Nous promet-on.
Partout où régnait la licence
Nous verrons régner l’abondance.
Chanson, chanson.
Quand du Sénat de mince allure
On apprit la déconfiture,
Chacun dit : Bon !
Les revenants vont, sans épice,
Noblement rendre la justice.
Chanson, chanson.
Vous, qui languissez sans paraître,
Et qui cherchez auprès du maître
Un bon patron,
Nommez seulement qui vous êtes,
Et l’on va vous payer vos dettes ;
Chanson, chanson.
Ma rente, contre la foi publique4 ,
Par l'abbé Terray fut réduite,
Que fera-t-on ?
Turgot qui hait la banqueroute
Me la rétablira sans doute.
Chansons, chansons.
- 1« On vient de faire un vaudeville sur l’air Chansons, Chansons. On serait d’abord tenté de le croire fabriqué par quelque financier enragé contre M. Turgot et qui voudrait donner une opinion défavorable de ses projets pour l’amélioration des revenus de l’État et le rétablissement du crédit public en faisant regarder comme des contes tout ce qu’on dit de consolant à cet égard ; mais comme il y a beaucoup de gaîté, cette chanson est plus maligne que méchante. » (Mémoires secrets)
- 2Voici une chanson dont on a parlé, qu’on croit avoir été faite au souper de quelque financier. (Mémoires secrets, 7 janvier 1775a.)
- 3Les gens sensés envisageaient avec plus de confiance que le chansonnier les sages réformes de Turgot : « Sa nomination au contrôle général, écrit un contemporain, a eu l’approbation universelle… On dit que son projet est de tâcher d’avoir une année de revenus dans les coffres du Roi, afin de se défaire des fermiers généraux, d’établir ensuite un impôt unique à l’entrée et à la sortie du royaume et de charger les provinces de verser directement les impositions dans le Trésor royal. Du reste, il a commencé son administration par chasser tous les commis de son prédécesseur, du moins ceux dont la réputation n’était pas à l’abri du soupçon. » (Correspondance secrète de Métra.) (R
- 4La dernière strophe ne figure que dans CLS, 1775.
Raunié, IX,47-49 - F.Fr.13652, p.276 - Mémoires secrets, V, 703-04 - CLS, 1775, p.28 - Correspondance secrète, t.I, p.152-53