La Poule au pot
La poule au pot1
La poule au pot
Depuis longtemps était promise,
La poule au pot
Attendait dès longtemps Turgot2
;
Terray n’est plus ; la nappe est mise,
L’on va bientôt mettre à sa guise
La poule au pot.
Maupeou n’est plus,
Thémis reprenez la balance ;
Maupeou n’est plus ;
Ce monstre a fait place aux vertus.
Reparaissez dieu d’abondance,
Riez Francais, faites bombance,
Maupeou n’est plus.
La pelle au …,
C’est donc pour vous, troupe félonne3
;
La pelle au c…,
Voilà ce qui vous était dû ;
Amis, gaiement vidons la tonne,
Puisqu’à tous les coquins l’on donne
La pelle au c…
Il était temps
De secourir la pauvre France,
Il était temps
De la délivrer de tyrans ;
Après dix ans de pénitence,
De lui rendre enfin l’espérance,
Il était temps.
Vive le Roi !
A ses travaux le ciel préside,
Vive le Roi !
Notre bie-nêtre fait sa loi ;
C’est la prudence qui le guide4
;
Rassurons-nous sous cette égide,
Vive le Roi !
- 1On avait écrit le mot Resurrexit en gros caractères au bas de la statue de Henri IV, « par allusion au caractère populaire et bienfaisant de cet admirable prince que le jeune roi Louis XVI paraissait vouloir prendre pour son modèle. A cette occasion, un particulier, moins pressé de se prononcer et de porter son jugement, avait composé la rimaille suivante : D’Henri ressuscité j’adopte le bon mot, / Mais, pour me décider, j’attends la poule au pot - « Personne n’ignore que le bon Henri lV disait qu’il voulait, si Dieu lui conservait des jours, que chaque paysan pût mettre le dimanche une poule dans son pot. » (Journal de Hardy.) (R)
- 2 Jacques Turgot, conseiller au Parlement de Paris, avait été nommé, en 1761, à l’intendance de Limoges, où il réalisa durant treize ans les plus sages des réformes accréditées par les économistes. Sa conduite et ses liaisons avec le parti philosophique lui méritèrent bientôt une légitime célébrité, et le crédit d’un de ses anciens condisciples de la maison de Sorbonne, l’abbé de Véry, tout-puissant auprès de Mme de Maurepas, le fit appeler au ministère de la marine lors de la disgrâce de M. de Boynes. Un mois après il abandonnait ce département pour la place de contrôleur général, devenue vacante par la disgrâce de l’abbé Terray. (R)
- 3 Les membres du Parlement Maupeou dont la suppression paraissait désormais assurée. (R)
- 4Le Journal de Hardy, écho fidèle de l’opinion publique, nous montre comment étaient appréciés le caractère et les tendances du Roi : « On assurait que le jeune monarque, qui s’était montré si prudent étant encore Dauphin, ne paraissait pas moins réservé depuis que la couronne avait passé sur sa tête. On ne pouvait le pénétrer sur tout ce qu’il se proposait de changer ou d’entreprendre, et l’on se persuadait assez volontiers que, pénétré de cette sage maxime Festina lente, il ne voulait faire aucune démarche qui ne fût le résultat de la plus mûre délibération On continuait de parler très avantageusement du caractère et des dispositions naturelles du jeune Roi, sans qu’on vît pourtant encore la moindre chose qui pût indiquer sa façon de penser par rapport à l’expulsion des anciens magistrats On imaginait cependant devoir espérer quelque chose d’un prince qui se montrait si bien, puisque, aussitôt instruit de la mort de son prédécesseur, il s’était écrié, disait‑on, qu’il sentait tout le poids de l’énorme fardeau qui lui tombait sur les épaules ; et, paraître le sentir, n’était‑ce pas s’annoncer bien digne de le porter ; puisqu’on assurait, d’ailleurs, qu’il s’était exprimé en ces termes remarquables devant les personnes dont il avait d’abord fait choix pour le guider dans ses premières démarches : Je sais bien tout ce que je désirerais faire, mais j’ignore ce que je dois faire, et je m’appuie sur vos conseils. Tout le monde s’accordait en outre à dire que ce nouveau monarque était pourvu de trois qualités infiniment précieuses et des plus essentielles dans un souverain pour le bonheur de son peuple : l’amour de la justice, l’économie et la pureté des mœurs. » (R)
Raunié, IX,10-13
Version proche: $2360 et 5844