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Épître à Beaumarchais sur la perte de son procès

Épître à Beaumarchais sur la perte de son procès1
Victime de l’intrigue et d’un affreux procès,
Toi qui fus en Espagne un Cicéron français2 ,
Qu’un courage nouveau vienne affermir ton âme
Le public t’applaudit lorsque la cour te blâme.
L’arrêt de ta patrie est gravé dans les cœurs,
Et, tout prêts à couler, il arrête nos pleurs.
Mais qui peut essuyer les larmes de ton père !
La main que, pour son sang, arme le cœur d’un frère
A ce droit généreux ; ainsi c’est ton devoir,
Et ce n’est pas pour toi qu’est fait le désespoir.
Montre-lui tes amis dont le nombre s’augmente
En raison des serpents que la cabale enfante,
Montre-lui l’innocence assise sur ton front,
D’un coup d’œil écartant un téméraire affront ;
Montre-lui des Français la bouillante cohorte
De Thémis indécise en vain pressant la porte ;
Peins leur douleur soudaine à l’arrêt répandu.
Chacun croyait d’abord avoir mal entendu.
Un bruit sourd et confus trahit la voix publique.
De la divinité qui règne en ce portique,
Le respect imposant, peut-être la frayeur,
Étouffe en ce lieu saint le cri de la douleur.
Chacun fuit consterné, dans un morne silence ;
Pour son propre procès chacun tremble d’avance,
Et l’honneur révolté t’arrache en gémissant
Du temple où te poursuit un courroux trop puissant.
Calme, par ce récit, ta famille éplorée,
Garde la fermeté que ton cœur a jurée ;
Et tel que l’aigle altier, veillant aux pieds des dieux,
Laisse passer la foudre, et n’en plane que mieux.

  • 1Autre titre : Sur M. de Beaumarchais, condamné au blâme par le nouveau parlement (F.Fr.13652)
  • 2Pour se concilier les sympathies du public et surtout des femmes en intéressant leur cœur, Beaumarchais avait terminé son quatrième mémoire par le récit de l’aventure dramatique arrivée en Espagne à l’une de ses sœurs. (R)

Numéro
$1354


Année
1774




Références

Raunié, VIII,304-05 - F.Fr.13652, p.220-21