Drôlesse et princesse
Drôlesse et princesse1
Drôlesse !
Où prends-tu donc ta fierté ?
Princesse !
D’où te vient ta dignité ?
Si jamais ton teint se fane ou se pèle
Au train
De catin,
Le cri du public te rappelle,
Drôlesse !
Mais de la messe
Du moine, ton père Guimard,
Que le Ramson volait la graisse
Pour joindre à ton morceau de lard,
Tu n’étais pas si fière
Et n’en valais que mieux :
Baisse ta tête altière
Du moins devant mes yeux.
Écoute-moi, rentre en toi-même,
Pour éviter de plus grands maux :
Permets à qui t’aime
De t’offrir encor des sabets !
Drôlesse !
Mon esprit est-il baissé !
Princesse !
Te souvient-il du passé ?
- 1« On prétend qu’il s’est élevé une querelle entre la comtesse du Barry et le comte Jean (le beau‑frère), qu’elle a été si vive que ce dernier, dans un de ces accès d’humeur violente dont on se repent toujours, a exhalé sa bile et a fait une chanson où il se permet de rappeler, de la façon la plus piquante, des choses qu’il aurait dû oublier. Peut‑être aussi un plaisant a‑t‑il été bien aise de trouver cette occasion de décharger la sienne, en imputant au comte Jean une production licencieuse d’une plume très satirique » (Mémoires secrets) - Le comte Jean, qui avait été l’amant de Mme du Barry avant de devenir son beau‑frère, avait particulièrement contribué à l’élévation de la favorite. Il spéculait avec impudeur sur son crédit et disait cyniquement, lorsqu’il avait à se plaindre de quelque ministre : « que c’était lui qui avait eu l’honneur de donner une maîtresse au Roi, et qu’on prît garde de ne pas lui donner de l’humeur. » (R)
Raunié, VIII,271-72 - F.Fr.13652, p.173-74 - Mémoires secrets, IV, 369-70