Sur Voltaire
Sur Voltaire1
La larme à l’œil, la nièce d’Arouet
Se complaignait au surveillant Malesherbe
Que l’écrivain, neveu du grand Malherbe2
,
Sur notre épique osât lever le fouet.
Souffrirez-vous, disait-elle à l’édile,
Que chaque mois ce critique enragé
Sur mon pauvre oncle à tout propos distille
Le fiel piquant dont son cœur est gorgé ? —
Mais, dit le chef de notre librairie,
Notre Aristarque a peint de fantaisie
Ce monstre en l’air, que vous réalisez. —
Ce monstre en l’air ! votre erreur est extrême,
Reprend la nièce : eh ! monseigneur, lisez,
Ce monstre-là, c’est mon oncle lui-même.
- 1Epigramme de M. Robbé sur le portrait de M. Voltaire qu’on voit dans la dernière feuille de Fréron qui a causé la suppression de ses feuilles (F.Fr.10479)
- 2Fréron avait fait dans ses feuilles un portrait satirique de Voltaire, sans le nommer. Celui‑ci aima mieux s’y reconnaître que de dissimuler son ressentiment. Il fit faire des plaintes à M. de Malesherbes par sa nièce, qui était alors à Paris. C’est ce qui occasionna cette épigramme. (M.) (R)
Raunié, VIII,243-44 - F.Fr.10479, f°128r - F.Fr.15155, p.160-61 - Poésies satyriques, p.18 - Choix d'épigrammes, p.180-81