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Mademoiselle Dervieux

Mademoiselle Dervieux1
J’suis un milord,
Tout cousu d’or,
Arrivant d’Angleterre ;
J’veux connaître l’plus fameux b…
Hélas ! dites-moi dans lequel… ? —
Chez la Dervieux,
Aux beaux yeux bleus,
Chez sa p… de mère.

Comment entrer,
Se présenter ?
Comment faire pour lui plaire ?
Encore, mon ami, si j’étais,
Recommandé par quelque Anglais ! —
Non ; simplement,

Beaucoup d’argent
A la fille, à la mère.

Sachez, monsieur,
J’suis d’un' grosseur
Qu’est très extraordinaire,
Pour n’pas souffrir dans le plaisir,
Où donc faut-il aller m' blottir ? —
Dans la Dervieux,
Mais encor mieux,
Dans sa p… de mère.

Pour me guérir
Du goût d' mourir,
On m’ordonn' la v ;
Pour l’attraper en peu de temps,
J’crois qu’il faut courir les boucans. –
Oh ! la Dervieux
Vaut cent fois mieux,
Croyezmoi sur parole.

Dans quel quartier
Peut-on trouver
Ce remèd' salutaire,
Dis-moi, l’plus cher de mes amis :
Où faut-il chercher son logis ? —
A Noël prochain,
A Saint-Martin,
Avec sa f… mère.

  • 1Autre titre : 28 décembre. Cantique en l’honneur de Mlle Dervieux, célèbre danseuse de l’opéra -  Cette pièce peut être considérée comme la contrepartie de l’épître adressée par Dorat à Mlle Dervieux. Grimm écrit à ce sujet, dans sa Correspondance : « M. Dorat, qui est en possession d’adresser ses hommages à toutes les beautés célèbres sans les connaître, vient de chanter les charmes d’une nouvelle Hébé. Cette Hébé‑Dervieux est une petite danseuse de l’Opéra affligée de quinze ou seize ans ; c’est un de ces enfants qui dansaient à l’âge de neuf à dix ans dans les Champs-Élysées de l’opéra de Castor, et qui sont devenus, la plupart, de très jolis sujets pour la danse. Si je ne craignais de me brouiller avec M. Dorat, je dirais que je trouve à Hébé‑Dervieux l’air un peu commun, avec l’éclat et la fraîcheur de la première jeunesse, ce qui ne l’a pas empêchée de gagner déjà des diamants. Elle vient d’acheter une maison, rue Sainte-Anne, qu’elle a payée soixante mille livres ; elle en dépensera autant en embellissements, et j’aurai l’avantage inestimable d’être son voisin quand elle donnera à souper à M. Dorat. Elle joua et chanta, il y a quelques années, le rôle de Colette dans le Devin du village, avec beaucoup de gentillesse, et personne ne dansa mieux à sa noce qu’elle‑même. C’est là l’époque de sa célébrité. »(R)

Numéro
$1289


Année
1770




Références

Raunié, VIII,185-87 - Mémoires secrets, III, 1451-52