A propos de l’Année littéraire
A propos de l’Année littéraire1
Fréron2
à l’An littéraire
Met son nom et fait fort bien,
Car il paye pour le faire ;
Mais des enfants d’un tel père,
Si chacun reprenait le sien,
Monsieur Fréron n’aurait plus rien.
C’est donc à tort qu’on le blâme
D’être mordant comme un chien ;
Il peut faire une épigramme,
Mais demandez-le à sa femme.
Il est logé comme un prince
Et doit je ne sais combien ;
J’ai bien peur qu’on ne le pince,
Car son crédit est si mince.
Ainsi malgré l’étalage
De ses talents, de son bien
Et de son noble compérage3
,
Tant enfants, meubles, qu’ouvrage,
Si chacun reprenait le sien,
Monsieur Fréron n’aurait plus rien
- 1Voici la première chanson qui a paru contre Fréron et que l’on dit avoir été faite par l’abbé de L’Attaignant à l’instigation de l’abbé de La Porte. (M.
- 2Élie Fréron, célèbre critique et journaliste (1719-1776), avait fondé, en 1754, l’année littéraire qu’il continua durant vingt‑deux ans, et dans laquelle il se montra l’adversaire constant du parti encyclopédique et surtout de Voltaire.
- 3L’un des fils de Fréron, le célèbre conventionnel, avait eu pour parrain l’ex‑roi de Pologne Stanislas, et l’autre le duc d’Orléans.
Raunié, VII, 315-16 - Collé, II,195-96 - CLK, août 1758, t.I, p.360