Le Général des bénédictins
Le général des Bénédictins1
D’où venez-vous, monsieur l’abbé ?
Vous avez l’air tout essoufflé ?
Je reviens de la guerre… Eh bien ?
Eh ! qu’alliez-vous y faire ?
Vous m’entendez bien.
Le Roi m’a dit : Mon gros cousin,
Votre rabat ne tient à rien ;
Partez pour aller faire
La barbe à l’Angleterre.
Partez vite, quittez Berny2
,
Votre catin, tous vos amis ;
Envoyez-moi tout faire,
Comme votre bréviaire.
Vous rendrez tous mes officiers
Souples comme des écoliers,
Vous savez leur apprendre,
A plier et se rendre.
Vous les mettrez, jarnicoton !
En peu de temps à la raison ;
Vous avez une mine
Propre à la discipline. —
Je suis arrivé, j’ai juré,
J’ai sacré, me suis enivré ;
J’ai fait le diable à quatre,
Je me suis laissé battre.
On a pourtant bien combattu,
Brunswick montrait déjà le c… ;
Mais j’ai laissé pour boire,
L’honneur de la victoire3
.
L’ennemi s’en est aperçu,
Tout de suite il est revenu ;
J’ai battu la retraite,
Et ma campagne est faite.
Je reprendrai mon ancien train,
Mon vin, mes amis, ma catin,
Nous boirons à Mortagne, eh bien !
Du bon vin de Champagne ;
Vous m’entendez bien4
.
- 1Pendant que je suis en train de parler de mauvais et méchants couplets, je vais transcrire ici ceux qu’on fit l’année passée sur monseigneur le comte de Clermont à son retour de la campagne de 1758, celle-là même qui fit dire, lorsqu’il eut le commandement de l’armée que le Roi ne sachant plus quel général opposer au roi de Prusse lui envoyait le général des bénédictins (Collé)
- 2Maison de campagne où il vivait avec Mlle Le Duc, sa maîtresse. (R)
- 3Le comte de Clermont fut battu à Crevelt (23 juin), par le prince de Brunswick, après cette défaite, il quitta l’armée, laissant le commandement à M. de Contades, le plus ancien des lieutenants généraux. (R)
- 4Collé, qui transcrit cette chanson dans son Journal, la juge sévèrement : « Ces vilenies, dit‑il, sont faites la plupart par des gens de la cour ; il est aisé de le voir par la négligence, les fausses rimes et autres irrégularités dont elles sont remplies. Ces couplets sont cruellement mauvais. L’on y voit le dessein et la rage, mais non l’art de médire. » (R)
Raunié, VII,293-95 - Collé, II,195