Les Mariages de Paris
Les mariages de Paris1
L’amour, l’hymen et les ris,
Dans Paris,
Font une fête chérie
En faveur du citoyen
Pour le bien
Et l’honneur de la patrie.
Qui nous donne ce beau jour,
Où l’amour
S’unit avec l’abondance ?
C’est un rayon du soleil
Non pareil
Qui fertilise la France :
Oue pour jamais le burin,
Sur l’airain,
Grave les dons de la Ville :
Elle execute un projet
Dont l’objet
N’est pas une oeuvre stérile.
Le bien public a dicté,
Arrêté,
Ce projet si beau, si sage,
Et la liberté
A compté
De quoi couronner l’ouvrage.
Ce système est sensé,
Bien pensé.
Quand on pourvoit six cents filles,
On devient le bienfaiteur
Et l’auteur
De deux fois deux cents familles2
.
Vive notre gouverneur,
Ce seigneur
Doux, officieux, affable ;
Il fait voir qu’un duc est grand
Doublement
Quand il sait se rendre aimable.
On est bien venu chez lui
Sans appui ;
Chez lui la faible indigence
Peut prétendre au même accès
Et succès
Que la plus haute opulence.
Que le prévôt des marchands
De nos chants
Excite aussi l’allégresse ;
Ceux qui lui succéderont
Ne pourront
Le surpasser en sagesse.
Dans dix siècles on saura,
On dira
Ce que furent les Bernages ;
Leur gloire aura pour garants
Les enfants
Issus des six cents mariages.
Cette fête vaut bien mieux
Que ces feux
Où le salpêtre s’enflamme,
Ils s’épandent en éclairs
Dans les airs ;
Les bienfaits restent dans l’âme.
- 1Autre titre : Chanson à l'occasion des mariages faits par la ville de Paris en réjouissance de la naissance de Mgr le duc de Bourgogne, décembre 1751 (Arsenal 2964) - - Le Roi, après avoir pris connaissance des réjouissances projetées en l’honneur du duc de Bourgogne et de la dépense qu’elles devaient entraîner, préféra, comme le remarque Barbier, « quelque chose de plus solide et de plus utile » ; il décida que la somme destinée aux fêtes serait consacrée à doter et à marier six cents filles dans Paris. « Au lieu de faire des feux d’artifice et de donner des fêtes qui coûtent toujours beaucoup et ne procurent aucun avantage, la Ville a donné un fonds pour ces mariages. Chacune de ces filles a été habillée, a eu cent écus comptant, et les frais de noce ont été faits aux dépens de la Ville. Le peuple de Paris a paru approuver beaucoup toutes ces dispositions, qui sont en effet très bonnes et très louables. Les curés de Paris qui ont été chargés de faire ces mariages les ont arrangés et les ont faits avec beaucoup de décence et de dignité. » (Journal historique de Collé.) Ces mariages furent tous célébrés le 9 décembre. (R)
- 2« Ce trait de la politique et de l’humanité du Roi a procuré dans la France deux mille mariages ; il peut, depuis quatorze années qui se sont écoulées, avoir fait profit à l’État de quinze ou seize mille hommes. » (Journal historique.) (R)
Raunié, VII,191-94 -Clairambault, F.Fr.12720, p.371 - F.Fr. 10478, f°658-660 - Arsenal 2964, f°85r-86v