La Disgrâce de Maurepas
La disgrâce de Maurepas1
Adieu donc, cher Maurepas !
Vous voilà dans de beaux draps :
Il faut partir tout à l'heure,
Pour Bourges, votre demeure2
;
Lampons, lampons,
Camarades, lampons.
Quel malheur que Chauvelin3
,
Votre ami tendre et bénin4
,
Ne soit plus en cette ville ;
Vous auriez fait domicile.
On dit que maman catin5
,
Qui vous mène si beau train
Et se plaît à la culbute,
Vous procure cette chute.
De quoi vous avisez-vous
D'attirer son fier courroux ?
Cette franche péronnelle
Vous fait sauter de l'échelle.
Il fallait, en courtisan,
Lui prodiguer votre encens ;
Faire comme La Vallière,
Qui lui lèche le derrière.
Réfléchissez un instant
Sur votre sort différent :
On vous envoie en fourrière,
Quand le Saint-Esprit l'éclaire6
.
Pour réussir à la cour,
Quiconque y fait son séjour
Doit fléchir devant l'idole,
La princesse d'Étiole.
Lampons, lampons,
Camarades, lampons.
- 1 - Maurepas fut victime de la haine qu’il avait vouée à Mme de Pompadour La marquise, à force d’obsessions, obtint du Roi le renvoi d’un ministre qu’il aimait, malgré ses défauts : ce fut le quatrain fameux sur les "fleurs blanches" de la favorite qui provoqua cette disgrâce. Louis XV exila Maurepas à Bourges, le 23 avril. (R)
- 2Ce fut M. le comte d’Argenson, ministre de la guerre, qui lui remit la lettre du Roi qui le reléguait à Bourges. (M.) (R)
- 3M. de Chauvelin, lors de sa disgrâce, fut aussi exilé à Bourges. (M.) (R)
- 4Ceci est ironique. (M.) (R)
- 5Nom donné à la marquise de Pompadour par les filles de Louis XV.
- 6M. de la Baume Le Blanc, due de la Vallière, avait été nommé cordon bleu le 2 février 1749. (R)
Raunié, VII,146-47 - Clairambault, F.Fr.12719, p.239-41 -F.Fr.15153, p.99-102 - F.Fr.10478, f°326-27 - BHVP, MS 550, f°71r-72v