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Chanson des grenadiers du régiment du Lyonnais

Chanson des grenadiers

du régiment de Lyonnais
En partant de la Westphalie1 ,
En France nous comptions aller
Trouver chacun notre Sylvie,
Tranquillement nous reposer ;
Mais ne songeons plus à l’amourette
Du dieu Mars suivons la cour
Chacun a son tour, luron lurette.

La reine d’Hongrie2 , d’un air fier ;
Croit toujours remporter sur nous
Les avantages de la guerre
Et nous menace de ses coups :
Mais, malgré ses premières conquêtes,
Nous pouvons avoir notre tour.
Chacun a son tour, luron lurette.

Commandés par un général
Aussi vaillant que Maillebois3 ,
Croit-elle nous donner le bal
Et nous réduire aux abois ?
Qu’elle aille ailleurs conter ses sornettes,
Le roi de France en peu de jours
Va avoir son tour, luron lurette.

Le maréchal de Belle-Isle
Environné des ennemis,
Dans Prague a cherché son asile4 ,
Et s’y retranche, à ce qu’on dit.
Armé de fusils et de baïonnettes,
Volons donc vite à son secours ;
Marchons nuit et jour, luron lurette.

A la tête de nos brigades
Sont gens de mérite infini :
La Mothe, Lautrec et Contade,
Bressé et Colbert de Croissy.
Les ayant tous cinq à notre tête,
Pouvons-nous manquer en ce jour
D’avoir notre tour, luron lurette ?

Pour encourager notre armée,
Maillebois augmente nos rations,
De pain, de viande accoutumée,
Et le riz nous donne à foison.
Méritons, amis, par nos conquêtes
Ces grâces accordées par la cour.
Payons de retour, luron lurette.

Puisque la France a réussi
A faire élire un Empereur5 ,
Au péril de notre vie
Il faut soutenir son honneur
Battez, tambours, et vous, sonnez, trompettes,
Celébrons sa gloire en ce jour.
Chacun a son tour, luron lurette.

Par une alliance prochaine,
La France avec l’Empereur
Va former une double chaîne
De sa fille avec l’électeur.
Aussitôt que la paix sera faite
Il faut chanter leurs amours.
Chacun a son tour, luron lurette.

Le roi de Prusse a cru bien faire
En s’alliant à la Hongrie ;
Il nous a tourné le derrière
Afin d’avoir la Silésie6 ;
Qu’il ne s’en fasse pas une fête,
Il n’y fera pas grand séjour.
Chacun a son tour, luron, lurette.

La Hollande, bien plus sincère,
S’est enfin déclarée pour nous ;
Elle abandonne l’Angleterre
Dont nous craignons peu le courroux.
Nous avons en Flandre une armée prête
Qui pourra causer leur retour.
Chacun a son tour, luron lurette.

Vers les ennemis de Bavière,
Mes chers amis, dressons nos pas,
Qu’ils sentent le poids de nos bras ;
Obligeons-les à faire retraite
Ils verront malgré leurs discours
Qu’avec du secours
Chacun a son tour, luron lurette.

Lyonnais, régiment plein de zèle
Pour le service de son Roi,
Ayant Beaupréaux pour colonel,
Va tout soumettre sous ses lois,
Suivi de Provence et Rouergue,
Dans la Bohême et tout à l’entour
Vont avoir leur tour,
Chacun a son tour, luron lurette.

  • 1« Le maréchal de Maillebois est parti, le 2 du mois d’août, de Düsseldorf en Westphalie, avec son armée de trente‑sept mille hommes et tout son train d’artillerie pour aller droit à Prague, en Bohême. Il marche par quatre divisions. Il y a eu cinq cents chariots extraordinaires commandés pour porter les relais et charges que portent les soldats, qui au moyen de ce n’ont que leurs fusils, ce qui les soulage considérablement. Il faut dire aussi qu’il y a beaucoup d’ardeur dans les troupes. » (Journal de Barbier.) (R)
  • 2La reine Marie‑Thérèse résista avec une énergie au-dessus de son sexe à la moitié de l’Europe coalisée contre elle. « Plus sa ruine paraissait inévitable, dit Voltaire, plus elle eut de courage. Elle excitait le zèle de ses Hongrois, elle ranimait en sa faveur l’Angleterre et la Hollande qui lui donnaient des secours d’argent, elle agissait dans l’Empire, elle négociait avec le roi de Sardaigne, et ses provinces lui fournissaient des soldats. » (R)
  • 3Jean‑Baptiste François Desmarets, marquis de Maillebois, fils du contrôleur général Desmarets et petit‑neveu de Colbert, était lieutenant général depuis 1733 lorsqu’il fut nommé maréchal de France. Il reçut en 1742 le commandement de l’armée de Westphalie. (R)
  • 4L’armée française, isolée en Bohême par la défection du roi de Prusse, alla se réfugier à Prague, où elle fut bloquée par les troupes de Marie‑Thérèse. (R)
  • 5L’électeur de Bavière, Charles‑Albert, fut élu roi des Romains et Empereur, d’une voix unanime, par tous les électeurs de la Diète de Francfort, grâce à l’appui de la France. Il fut couronné solennellement, le I2 février 1742, par son frère, l’électeur de Cologne. (R)
  • 6« La consternation est dans Paris. Malgré le secret de la cour, la nouvelle s’est répandue par des lettres particulières et enfin par les gazettes, que le roi de Prusse nous abandonne, et qu’il a fait, dès le 11 juin, son traité de paix avec la reine de Hongrie. Elle lui abandonne la haute et basse Silésie, à l’exception de deux duchés. L’Angleterre et la Hollande sont garantes de l’abandonnement fait de la Silésie au roi de Prusse, qui, par ce moyen, retire ses troupes et demeure neutre. » (Journal de Barbier.) (R)

Numéro
$0955


Année
1742




Références

Raunié, VI,322-26 - Clairambault, F.Fr.12710, p.101-04 - Maurepas, F.Fr.12646, p.87-90 - F.Fr.15150, p.265-72 - BHVP, MS 549, f°81r-83r