La promotion des maréchaux de France1
De la promotion veut-on savoir l’histoire ?
Moins par dessein que par hasard,
J’étais au temple de Mémoire.
Les dieux avaient pris le nectar
Lorsqu’un d’eux rompit le silence ;
Il faut, dit-il, nous amuser :
Faisons des maréchaux de France. —
Chacun ayant un droit prétendit en user ;
Minerve et Mars d’intelligence
Firent Belle-Isle et Maillebois,
De Thémis Nangis eut la voix,
Isenghien et Duras eurent pour eux Mercure ;
Il est vrai qu’il dormait dans cette conjoncture,
Il en fut repris par Pallas.
Momus, armé de sa marotte,
Pour la gloire de la calotte
Désigna Chaulnes et Brancas ;
A ce point peut-on se méprendre ?
Dirent les tristes concurrents. —
Libres dans leurs amusements,
Les dieux n’ont point de compte à rendre2 .

• 1« Le 11 février, le roi fait maréchaux de France, le marquis de Brancas, le duc de Chaulnes, le marquis de Nangis, le prince d’Isenghien, le duc de Duras, le marquis de Maillebois, et le comte de Belle lsle. » (Jour. historique.) (R)
• 2« Cette promotion faite par M. le cardinal Fleury a fort étonné. M. de Maillebois et M. de Belle‑Isle sont de bons officiers et d’ailleurs à la mode. Ils n’ont point par devers eux d’action d’éclat, mais il y a deux ou trois ans que le premier commande dans l’île de Corse, qui est une commission ennuyeuse et fatigante. M. de Belle‑Isle avait besoin d’un titre de guerre qui est le plus respecté en Allemagne… Mais pour les cinq autres maréchaux de France, ils n’ont attiré que des chansons. Il n’y a pas longtemps que l’on parlait du duc de Chaulnes comme ayant l’esprit baissé. Le cardinal a toujours fort aimé et protégé la maison de Luynes. Pour les autres, on ne sait par où ils sont parvenus à cette dignité ; les uns du côté des femmes, les autres du côté des hommes. On a passé par‑dessus les grands officiers et lieutenants généraux » (Journal de Barbier) (R)