La Succession de l’empereur
La succession de l’empereur1
Qui sera de l’Empereur
Successeur ?
Plus d’un souverain aspire
A cet illustre destin,
Mais bien fin
A présent qui peut le dire.
De Bavière2
I’Électeur
En faveur
Près du monarque de France,
Dans ce fameux dévouement,
Aisément
Peut rencontrer bonne chance.
Le duc de Toscane avait
Très bon droit
A ce superbe héritage ;
Mais depuis certain traité3
Éventé,
Pour lui personne ne gage.
Par la Parque un grand bras
Mis à bas
Rend la ligue manchotte ;
Les Anglais n’ont maintenant
Que du vent
A demander pour leur flotte.
Le roi de Prusse hardiment,
Se flattant
Des faveurs de la Diète4
,
Se croit déjà souverain
Sur le Rhin
Et s’applaudit de l’emplette5
.
De Voltaire et Maupertuis
Les avis
Font rouler sa politique ;
Comme eux il a du savant
Le clinquant,
Comme eux il est catholique.
Empereur enfin sera
Qui pourra ;
Quelque part où l’aigle vole
Il ne fuira pas des lis
Le pays
S’il veut jouer un beau rôle.
Des Français tout le souci
Aujourd’hui
Est que Louis dans la France
Règne longtemps glorieux,
Et chez eux
Fasse régner l’abondance.
- 1 - « L’empereur Charles VI mourut d’une indigestion, le 19 octobre 1740. « Sa mort fut inopinée. Il avait à peine cinquante-cinq ans, et pouvait, malgré la délicatesse de son tempérament, espérer avoir le temps de mettre la dernière main au projet de l’indivisibilité de sa succession, en la personne de sa fille aînée, en désignant pour successeur à l’empire, son gendre. Il commençait à laisser entrevoir son dessein, et était occupé à sonder les dispositions des électeurs et à les ménager, lorsqu’une indigestion précipita tout à la fois ce monarque au tombeau et l’empire et sa fille chérie sur le bord de leur ruine. » (Vie privée de Louis XV.) (R)
- 2« Charles‑Albert, électeur de Bavière, demandait la succession en vertu d’un testament de l’empereur Ferdinand Ier, frère aîné de Charles‑Quint. Auguste III, roi de Pologne, électeur de Saxe, alléguait des droits plus récents, ceux de sa femme même, fille aînée de l’empereur Joseph Ier, frère aîné de Charles VI. Le roi d’Espagne étendait ses prétentions sur tous les États de la maison d’Autriche, en remontant à la femme de Philippe II, fille de l’empereur Maximilien II. Philippe V descendait de cette princesse par les femmes. » (Voltaire, Siècle de Louis XV.) (R)
- 3C'est le traité que l'Empereur avait fait avec l'Angleterre un peu avant sa mort, et dont M. de Mirepoix, ambassadeur de France, trouva le moyen d'avoir copie qu'il envoya au Cardinal en même temps que l'Empereur écrivait à son premier maître qu'il appelait son cher papa, pour lui marquer sa reconnaissance des obligations infinies qu'il lui avait. (Castries)
- 4La Diète qui devait être convoquée à Francfort pour l’élection de l’Empereur. (R)
- 5Le roi de Prusse, Frédéric II, n’attendit pas les décisions de la Diète, il envahit la Silésie autrichienne qu’il convoitait, et la conquit en quelques mois. (R
Raunié, VI,285-88 - Clairambault, F.Fr.12709, p.255-57 -Maurepas, F.Fr.12635, p.303-05 - F.Fr.12675, p.392-95 -F.Fr.15134, p.512-14 - F.Fr.15137, p.425-27 -F.Fr.15149, p.442-86- Arsenal 3117, f°4 - Arsenal 2934, p.450-53 - BHVP, MS 542, p.343-49 - Mazarine Castries 3987, p.314-15