Nouvelle bulle du pape qui supprime le nom de Plantevit
Nouvelle bulle du pape
qui supprime le nom de Plantevit1
Clément, grand pontife de Rome,
A quiconque chrétien se nomme
Salut et paternel amour.
Je vois, hélas ! de jour en jour
Croître l’iniquité de l’homme :
Le serpent jadis a séduit,
De l’aveu de la sainte Église,
Ève par l’amorce d’un fruit,
Pur effet de sa gourmandise.
Aujourd’hui, que de serpentaux
Cachés sous la forme virile,
Inventent des pièges nouveaux
Pour tromper le sexe fragile !
Depuis peu nous avons appris
Du diocèse de Paris,
Qu’au détriment des saintes âmes,
Margon voulait mettre à profit
Le nom fameux de Plantevit,
Pour corrompre toutes les femmes.
Craignant donc que le clerc ruse
Par un tel titre supposé
Aux brebis saintes n’en impose,
Ordonnons qu’il change de nom
Et ne soit nommé que Margon,
Ou qu’au moins il métamorphose
Le Plantevit en Plantechose.
Déclarons par cette teneur
Plantevit un nom suborneur ;
Scandaleux, faux, téméraire
Et de fait et de droit contraire
A l’humilité que prescrit
Aux clercs la loi de Jésus-Christ.
Mandons en outre à l’ordinaire
Mettre à due exécution
Une bulle si salutaire,
Même par amputation
Après triple monition.
Donné sous le scel authentique
De notre chambre apostolique.
Romae, gratis. Par mandement
Du susdit Saint-Père Clément2
.
- 1Guillaume Plantevit de La Pause, abbé de Margon, (16861762), littérateur français, connu par son esprit mordant et ses productions satiriques, fut l’un des coryphées du Régiment de la Calotte, et prit une part active aux querelles suscitées par la bulle Unigenitus. Il avait d’abord pris parti pour les jésuites, mais irrité des critiques que lui adressa le Journal de Trévoux, il se tourna contre ses anciens alliés et leur prodigua l’insulte dans ses propos et dans ses pamphlets ; ce qui lui valut d’être relégué aux îles de Lérins, puis au château d’If. Voici en quels termes parle de lui un de ses biographes : « On le reconnaissait, dès les premiers instants, comme un homme caustique, frondeur, bouillant, faux, tracassier, et toujours prêt à brouiller les personnes les plus unies si leur désunion pouvait l’amuser un moment. On rapporte qu’ayant reçu une gratification de trente mille livres, il imagina de la manger dans un souper singulier ; il en fit la disposition, Pétrone à la main, et exécuta avec toute la régularité possible le repas de Trimalcion. On surmonta toutes les difficultés à force de dépense. Le Régent eut la curiosité d’aller surprendre les acteurs et il avoua qu’il n’avait rien vu de si original. » (R)
- 2Cette bulle et l’appel dont elle est suivie n’appartiennent point à l’année 1733 ; les dates données par les Recueils manuscrits et par les Mélanges de Bois‑Jourdain sont toutes différentes ; il résulte toutefois des indications fournies par les Mémoires de Marais qu’il faut les rapporter à l’année 1724. Mais, pour des pièces de ce genre, la date n’a pas d’importance. (R)
Raunié, VI 35-37 - Maurepas, F.Fr.12645, p.365-66