Les Démêlés des avocats
Les démêlés des avocats1
On ôte sourdement, malgré les vœux de l’ordre2
,
Maraimberg3
du tableau ; pour causer ce désordre,
Normant en trahison a surpassé Daunard,
Le lâche Tartarin a porté l’étendard.
Si Julien l’Apostat était encore en vie,
Un Julien de Prunay lui tiendrait compagnie.
L’aveugle Duhamel faisant le connaisseur
A jugé du tableau comme il fait la couleur.
Portail, bien autrement, veut avoir la victoire
Et remporter surtout et l’honneur et la gloire.
Depuis longtemps il court après le grand cordon ;
Fallait-il l’acheter aux dépens de son nom !
S’il le paye, il est vrai, du prix de sa naissance,
Il lui coûtera moins que tout ce que l’on pense ;
Son bisaïeul fameux, la lancette à la main,
Faisait, sans contredit, trembler le genre humain.
Le prince le connaît d’une conduite sage
Et l’arrêt du conseil en est le témoignage4
.
- 1Autre titre: Les avocats démasqués (Clairambault, F. Fr. 10476)
- 2« Ce fut vers ce temps que les avocats prirent le titre d’ordre ; ils trouvèrent le terme de corps trop commun ; ils repétèrent si souvent l’ordre des avocats, que le public s’y accoutuma, quoiqu’ils ne soient ni un ordre de l’État, ni un ordre militaire, ni un ordre religieux, et que ce mot fût absolument étranger à leur profession. » (Voltaire.) (R
- 3L’avocat Maraimberg avait fait imprimer (nov. 1730) un mémoire en faveur des curés d’Orléans, avec la signature de quarante avocats, parmi lesquels treize seulement avaient eu connaissance de l’acte. Comme ce mémoire avait provoqué l’irritation de la cour, il fut question de rayer Maraimberg du tableau, mais les trois quarts des avocats se prononcèrent en sa faveur. Alors le bâtonnier sortant, Tartarin, de concert avec Normant et quelques autres, cédant aux suggestions de Fleury, raya Maraimberg de son autorité privée. (R)
- 4Le 7 septembre avait été rendu, par le Parlement, un arrêt qui établissait « que la puissance temporelle est indépendante de toute autre puissance, et qu’à elle seule appartenait de contraindre les sujets du roi, et que les ministres de l’Église étaient comptables au Parlement, sous l’autorité du monarque, de l’exercice de leur juridiction. » Il fut cassé le lendemain par un arrêt du conseil. (R)
Raunié, V,292-93 - Clairambault, F.Fr.12701, p.307-08 - Maurepas, F.Fr.12632, p.24 - F.Fr. 10476, f°139 - F.Fr.12800, p.286 - F.Fr.15020, f°1212 -F.Fr.15145, p.308-09 - F.Fr.15231, f°125 - Arsenal 2938, f°84r - Arsenal 2975, p.172-73 - Chambre des députés, MS 1441, f°92 - Barbier, II, 229